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est en quatre volumes, dont le premier et le plus instructif a paru au commencement de l’année 1656. L’auteur y donne une description complète de la précieuse, de l’espèce en elle-même et de ses variétés ; il peint leurs occupations, leurs intrigues, leurs travers ; il les déchire sans pitié et sans scrupule, et s’il ne les nomme pas, il annonce qu’un jour il y aura des clés. C’est un pamphlet, un véritable libelle, plus méchant que spirituel. Un peu plus tard, l’abbé de Pure en fit une comédie[1], qui fut représentée par les bouffons italiens sur le théâtre du Petit-Bourbon. Toutes les voies étaient donc préparées, il ne manquait plus qu’un homme de génie ; il vint à son heure. Le 18 novembre 1659, Molière donna sur ce même théâtre les Précieuses Ridicules, suivant le goût public plutôt qu’il ne le devançait, se faisant l’interprète d’une opinion déjà puissante et lui assurant la victoire, accablant les précieuses ridicules, mais ne leur portant pas les premiers coups. Lorsqu’il imprima sa comédie, en 1660, il y mit une préface, où il prend les mêmes précautions que l’abbé de Pure, et dit avec raison que « les véritables précieuses auroient tort de se piquer lorsqu’on joue les ridicules, qui les imitent mal. » Ce sont en effet ces mauvaises imitations répandues à Paris et dans toute la France qu’a voulu attaquer l’implacable ennemi de toute exagération, et nullement l’hôtel de Rambouillet, qui depuis longtemps n’était plus, et dont les nouvelles précieuses n’avaient retenu que les défauts pédantesquement exagérés.

On pense bien que Mme de Sablé, dont le goût était si délicat, sentait autant que personne les ridicules des samedis ; mais enfin c’était un reflet des beaux jours de sa jeunesse, et comme elle habitait la Place-Royale, voisine de Mlle de Scudéry, elle la visitait de temps en temps, avec la comtesse de Maure, et se plaisait à rencontrer chez elle Chapelain, Pélisson, Conrart. Les recueils de celui-ci contiennent plus d’une lettre de Mme de Sablé, où elle se fait un honneur de le recommander à de hauts personnages en diverses occasions.

    bien senti, un autre, p. 382, un peu exagéré de Mlle de Scudéry, du Cyrus et de la première partie de la Clélie, qui paraissait en cette même année. En tête du volume est une petite gravure représentant une ruelle. — Seconde partie, chez Pierre Lamy, 1656. À la fin du privilège : Achevé d’imprimer pour la première fois le 15 juin 1656. — Troisième partie, chez Pierre Lamy, 1657. Achevé d’imprimer pour la première fois le 30 décembre 1656. — Quatrième et dernière partie sous ce titre : Le Roman de la Prétieuse, ou les Mystères de la Ruelle, à Paris, chez Guillaume de Luyne, 1658. Achevé d’imprimer pour la première fois le 9 mai 1658 ; avec une dédicace à l’abbé de Clermont-Tonnerre. « Je connois trop le peu de rapport qu’il y a entre des fausses prétieuses et un véritable prétieux, entre de défectueuses copies et un parfait original. » Dans l’avant-propos : « Il y a peu de choses qui n’ayent un sens caché… : tost on tard on entendra la force de mon jargon. Il y aura des clefs et des ouvertures de mes secrets, et tel condamne mon coq-à-l’asne qui un jour en justifiera le bon sens. »

  1. Histoire du Théâtre-François (par les frères Parfait), t. VIII, p. 313 et 321.