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roi très chrétien valait mieux que le roi catholique, et qu’à exclure les étrangers, il fallait prendre pour empereur un prince tout à fait allemand par l’origine, par les habitudes, par le caractère, par le langage; que les trois puissantes maisons de Bavière, de Brandebourg et de Saxe pouvaient donner à l’empire un chef qui, à l’exemple de Rodolphe de Habsbourg et de Maximilien, se ferait respecter non-seulement en Allemagne, mais dans le monde entier[1].

Cette combinaison aurait pu réussir encore, si l’électeur de Saxe S’y était prêté; mais, loin de la seconder, il prit la parole pour se ranger de l’avis de l’archevêque de Mayence. Il dit que la loi en vertu de laquelle ils délibéraient ne leur permettait pas d’élire le roi de France, mais qu’elle les laissait libres de nommer le roi d’Espagne, qui était archiduc d’Autriche et vrai prince allemand; que, dans les conjonctures présentes, ce choix lui paraissant le meilleur, il voterait en faveur de ce prince, mais en lui imposant des conditions qui assurassent la liberté et l’intégrité de l’empire, et qui prévinssent les périls signalés par les deux électeurs de Mayence et de Trêves[2]. Son opinion entraîna toutes les autres. L’archevêque de Trêves se rendit lui-même, et le soir, à dix heures, les sept électeurs, réunissant leurs suffrages sur l’heureux Charles, l’élurent roi des Romains et futur empereur sous le nom de Charles-Quint.

Le lendemain, ils s’assemblèrent pour régler les conditions auxquelles ils entendaient le soumettre. Outre la garantie ordinaire des lois, des privilèges et des usages de l’empire, ils exigèrent qu’il ne pût, sans eux, convoquer aucune diète, établir aucun nouvel impôt, entreprendre aucune guerre, conclure aucun traité; qu’il n’introduisît point en Allemagne de soldats étrangers, qu’il y donnât tous les emplois publics à des Allemands, qu’il se servît dans ses lettres de la langue allemande, et qu’il vînt au plus tôt se faire couronner en Allemagne et y résider. Nicolas Ziegler accepta et signa le 3 juillet cette capitulation au nom de Charles-Quint[3]. Les électeurs envoyèrent aussitôt en Espagne le comte palatin Frédéric, avec Armerstorff et Bernard Wurmser, pour notifier leur choix au nouvel élu et lui signifier leurs vœux.

François Ier connut le 3 juillet à Poissy le résultat de l’élection; il fit très bonne contenance. Les principaux personnages de sa cour et de son conseil s’applaudirent tout haut d’un échec qui leur semblait très heureux pour la France. Il parut s’en féliciter lui-même, et dit aux ambassadeurs étrangers que, sans les instances des électeurs, il n’aurait pas songé à l’empire, mais qu’à bien considérer les

  1. Lettre du cardinal Cajetan à Léon X. Ibid., p. 70 à 72, et Steidan, Ibid., p. 70 à 75.
  2. Ibid., p. 72, et Steidan, p. 75.
  3. Capitulation Impériale dans Dumont, Corps diplomatique, vol. IV, part. Ire, p. 296.