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Lorsqu’on fut convenu de tout, l’archevêque dit à Armerstorff : « Je veux maintenant vous faire voir que je tiens moins à mes intérêts que vous ne pouvez le penser, et que j’ai l’intention de servir efficacement votre maître. » Il ouvrit devant lui ses coffres et lui montra, sous le secret, les lettres qu’il avait reçues, les avantages qui lui étaient offerts, et les pratiques déjà si avancées du roi très chrétien auprès des autres électeurs. Armerstorff en demeura confondu. Aussi supplia-t-il le roi catholique, avec les plus fortes instances, de confirmer l’arrangement qu’il venait de conclure, « car, ajouta-t-il, aussi vrai que Dieu est, si vous le perdez, il tirera son frère et Cologne après lui. »

Afin de prouver la sincérité et l’ardeur de son zèle, l’archevêque envoya immédiatement son valet de chambre à l’électeur de Brandebourg pour le gagner aux intérêts du roi catholique. Il lui écrivit que ce prince avait dépêché auprès de lui son conseiller et chambellan Armerstorff pour ratifier les anciens engagemens, et que dès lors ils devaient s’y tenir de leur côté. « Je vous prie, lui dit-il, de considérer en cette occasion l’honneur et le bien de l’empire, de vous, des vôtres et de toute la nation allemande. Si la couronne tombait entre les mains de ceux qui, séparés depuis longtemps de la souche germanique et n’ayant ni foi ni loyauté, ne voulurent jamais du bien à l’empire, ce serait pour la ruine de celui-ci, car ils chercheraient à le mettre sous les pieds et à s’en rendre seigneurs et maîtres héréditairement[1]. » Comme s’il n’avait pas marchandé lui-même pendant trois jours son adhésion au parti de Charles, il disait avec une audacieuse hypocrisie de désintéressement qu’il mettait son honneur à ne rien demander de nouveau. « Autrement, ajoutait-il, on pourrait penser que je cherche ou à échapper à ma promesse ou à rançonner le roi catholique sans me soucier de sa bonne grâce, mais uniquement de son argent, ce qui ferait tort à moi et aux miens. »

Le margrave de Brandebourg reçut cette lettre le 8 mars. Loin de céder aux conseils de son frère, il lui exprima sa surprise de ce brusque changement de résolution. Il lui répondit qu’il ne devait plus se regarder comme libre de disposer de sa voix, que les articles souscrits de sa propre main avaient été remis à Moltzan, qui les avait envoyés au roi de France, avec lequel, lui électeur de Brandebourg, avait déjà conclu en leur nom et dans leur intérêt commun; qu’ils étaient tenus l’un et l’autre de conserver d’autant plus religieusement leur foi à ce prince, qu’ils la lui avaient déjà précédemment

  1. Lettre inédite de l’archevêque de Mayence à l’électeur de Brandebourg, du 1er mars 1519, incluse dans la dépêche d’Annerstorff à Marguerite d’Autriche de la même date et non comprise dans la publication de M. Le Glay. Archives de Lille.