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seullement l’intention qu’ay de faire la guerre aux Turcs que j’exécuterai par là plus facilement[1]. »

Argent, pensions, faveurs, les agens de François Ier étaient autorisés à tout offrir à chaque électeur, pour le gagner à quelque prix que ce fût. Ils devaient en outre faire valoir des raisons générales assez habilement exposées dans leurs instructions. L’empereur étant le chef suprême et le défenseur naturel de la chrétienté, ces instructions recherchaient quel était le prince qui pouvait le mieux remplir cette grande charge dans un moment où le territoire chrétien était menacé. François Ier s’y exprimait en ces termes sur lui-même : « Content de ce qu’il a plu à Dieu de lui donner, le roi très chrétien, qui n’est mu par aucun motif d’intérêt ni d’ambition, n’aurait point visé à l’empire qu’il sait lui devoir plus coûter et peser que profiter, s’il n’y avait pas été invité par ceux qui demandent à être défendus, et si son grand désir d’être utile à la chrétienté ne l’y avait point décidé. Il est jeune et à la fleur de son âge, libéral, magnanime, aimant les armes, expérimenté et habile à la guerre, ayant de bons capitaines, un gros royaume, plusieurs pays, terres et seigneuries riches et puissantes où il est aimé et obéi tellement qu’il en tire ce qu’il veut; il a un grand nombre de gens d’armes qu’il tient continuellement à sa solde, et qui sont aussi vaillans que nuls autres de la chrétienté, beaucoup d’artillerie montée et d’aussi bons canonniers qu’on puisse trouver, des ports et havres en son royaume et dans ses autres pays, tant sur la mer Méditerranée que sur l’Océan, avec navires, galères, carraques, etc., équipés et armés. Il a bonne paix et amitié avec tous ses voisins, en sorte qu’il pourra employer au service de Dieu et de la foi sa personne et tout son avoir, sans que nul ne le détourne et que rien ne l’en empêche[2]. »

Il peignait son rival, le roi catholique, sous de tout autres couleurs, et chargeait ses ambassadeurs de représenter « qu’il était en bas âge, qu’il n’avait aucune expérience et aucune pratique de la guerre, où il n’avait jamais paru encore; qu’il était maladif et hors d’état de porter un si lourd fardeau; qu’il gouvernait par des serviteurs qui bien souvent s’occupaient plus de leur intérêt que de la chose publique; que ses royaumes étaient éloignés de l’Allemagne, et qu’il lui serait impossible de la secourir dans ses dangers et de l’aider dans ses affaires; que les mœurs des Espagnols étaient tout à fait contraires à celles des Allemands, comme on l’avait va lorsqu’ils avaient fait la guerre ensemble; enfin que le roi catholique était roi de Naples, et qu’aucun roi de Naples, par suite même du serment

  1. Dépêche du roi du 7 février. Mss. de La Mare 1063/3, f° 50, sqq.
  2. Instructions pour les électeurs de l’empire, — fin de janvier. Minute originale. Arch, carton J. 952, pièce 9.