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et qui depuis quatre-vingt-un ans semblait fixée dans sa maison. Ses vastes états auraient été compromis si François Ier, qu’il avait pour voisin en Flandre, en Franche-Comté, en Espagne, en Italie, s’établissait aussi en Allemagne. Il mit tout en œuvre pour l’en empêcher. Jusque-là il s’était ménagé avec soin l’amitié de ce prince, afin d’éviter la guerre vers les Pays-Bas, de prévenir l’invasion du royaume de Naples et de n’être pas troublé dans la prise de possession de la péninsule espagnole. Il lui avait prêté hommage, comme son vassal, pour les comtés de Flandre et d’Artois, et, par le traité de Noyon, il avait accepté pour future femme Louise de France, fille de François Ier, qui, en considération de ce mariage, lui céda ses droits sur le royaume de Naples. Gendre éventuel et ami momentané de François Ier, le roi de Castille avait réconcilié son aïeul et son beau-père. Arrachant Maximilien à ses turbulens desseins et à ses ligues agressives, il avait obtenu son adhésion au traité de Noyon, et moyennant 200,000 écus d’or il avait décidé le nécessiteux empereur à rendre aux Vénitiens alliés de la France la seule place qui lui fût restée de ses conquêtes sur eux. Le traité de Noyon du 13 août 1516 avait été confirmé le 11 mars 1517 par le traité de Cambrai, dans lequel le roi très chrétien et le roi catholique avaient renvoyé la question difficile du royaume de Navarre à une conférence qui se tiendrait prochainement à Montpellier. Après toutes ces stipulations, Charles, en constante amitié avec Henri VIII, en alliance étroite avec François Ier, en accord parfait avec Maximilien, s’apprêtait à partir pour l’Espagne afin d’y consolider sa puissance, qu’il avait mise à l’abri de toute atteinte du côté des Pays-Bas, qu’il comptait avoir assurée en Italie et qu’il espérait étendre plus tard à l’Allemagne.

C’est dans ce moment qu’il fut instruit des dangereuses menées de François Ier. Il ne voulait pas enfreindre la paix, qui lui était nécessaire; et qu’il avait rétablie avec tant de peine dans l’occident de l’Europe : mais il n’entendait pas non plus que le roi de France, devenu son compétiteur, se servit de la paix pour lui enlever d’avance la couronne impériale. Des côtes de la Zélande, où il allait s’embarquer, il chargea le trésorier Villinger d’informer l’empereur de toutes les pratiques françaises auprès des électeurs; plusieurs d’entre eux s’offraient à soutenir ses propres prétentions, qu’il était résolu à faire prévaloir par tous les moyens, s’il obtenait l’assentiment et le concours de son aïeul[1]. Il monta ensuite sur la flotte qui devait le conduire en Espagne, et il s’éloigna des lieux où s’était déjà ouvert le marché électoral. Mais l’empereur son grand-père y restait pour

  1. Instruction donnée à Villinger par le roi de Castille en août 1517, dans Bucholtz. Geschichte der regierung Ferdinand des Ersten, in-8o; Vienne, 1831, vol. Ier, p. 84.