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de San-Luis et plus encore, à ce qu’il parait, contre le ministre de fomento, M. Esteban Collantes, qu’existent les hostilités les plus vives. Nous ne parlons pas des antipathies d’un autre genre qui se sont fait jour plus d’une fois soit contre la reine Christine, soit contre des influences de palais. À notre sens, les hommes considérables du parti modéré qui se sont engagés dans une opposition si vive et si absolue se trompent. On s’est trompé aussi sans doute à leur égard, parce que, quand certaines idées se personnifient plus particulièrement eu certains hommes, c’est à ces hommes qu’il faut confier la direction des affaires pubUques ; mais cela est vrai surtout quand les partis son organisés, compactes, et présentent un point d’appui suffisant, sous la conduite de chefs éminens. Or il n’en est point ainsi par malheur en Espagne, où il n’y a plus de partis, où il n’y a plus que des hommes influens à divers titres. Peut-être est-il encore temps de recomposer une opinion, une force capable de remettre un peu d’ordre dans le gouvernement de la Péninsule. Il y a là certes de quoi réfléchir pour la reine Isabelle comme pour les hommes qui ont été les guides du parti conservateur. En se retirant à Loja, dans son pays natal, le général Narvaez a peut-être pris le plus court chemin pour rentrer au pouvoir, et pour y rentrer avec efficacité, avec profit pour la reine et pour le parti dont il a été le plus illustre chef. En attendant le mot de cette situation, Madrid s’est trouvé récemment sous l’impression d’un incident très inattendu. Une observation, peu sérieuse sans doute, sur Mme  Soulé, la femme du ministre américain, dans un bal de l’ambassadeur de France, a donné lieu à deux rencontres successives:l’une entre le duc d’Albe et M. Soulé fils, l’autre entre M. Soulé père et notre ambassadeur, M. Turgot. Il s’en est suivi une blessure, un moment assez grave et heureusement en voie de guérison, pour M. Turgot. Quant à M. Soulé, il est douteux que cet incident rende sa mission plus facile à Madrid.

Qu’on observe maintenant un moment l’ensemble du Nouveau-Monde. À côté des républiques sud-américaines, chaque jour bouleversées par des révolutions nouvelles, les États-Unis ne cessent point de marcher dans la voie de développement matériel qu’ils se sont ouverte. L’année 1853 était une année d’épreuves pour l’Union américaine. Le président venait de changer ; l’humeur conquérante du parti démocrate, qui arrivait au pouvoir, avait de la peine à se contenir; la question était de savoir si le nouveau président, M. Franklin Pierce, serait un instrument passif entre les mains de son parti, ou s’il saurait lui résister. On ne peut disconvenir que le général Pierce a montré jusqu’ici dans ses fonctions une honorable modération, et il vient d’en donner un nouveau témoignage dans son message annuel. Le langage de ce document est complètement pacifique. Presque toutes les difficultés qui existaient entre les États-Unis et les autres pays, tels que l’Angleterre, l’Espagne, le Mexique, le Pérou, l’Amérique centrale, sont aujourd’hui en voie d’arrangement. Le président de l’Union américaine s’engage même à s’opposer à toute tentative qui pourrait être dirigée contre Cuba. La complication la plus grave qui reste encore est celle qui est née de l’affaire du réfugié hongrois Martin Kosta. La conduite du capitaine Ingraham, qui avait menacé de son feu un navire autrichien, a été approuvée. Les demandes de réparations de l’Autriche ont été repoussées, et le général Pierce se montre tout prêt à défendre sa politique. Un des points principaux