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visibles traces de ce besoin de nouveauté et d’imprévu qui s’est fait jour si souvent dans le monde de la pensée, et qui se communique par momens à la vie politique elle-même.

C’est ainsi que tout ce qui est du ressort de l’intelligence ramène par maint endroit au développement moral et politique des peuples. Or, au moment où nous sommes, où en est ce développement des divers pays de l’Europe qui ne sont point la France, mais qui ont avec elle tant d’intérêts communs ? Ne prenons pas même la grande question qui tient aujourd’hui le monde dans l’attente, et qui pèse sur toutes les relations internationales. N’est-il pas visible que partout il se poursuit un travail analogue sous l’apparence d’un repos intérieur chèrement acheté ? Les états constitutionnels ont leurs crises, les gouvernemens absolus ou redevenus absolus ont leurs tendances et leurs pièges ; sur plus d’un point se réveillent, comme des menaces, les scissions religieuses. En Italie, tandis que les gouvernemens s’efforcent péniblement de se rasseoir, les sectes font sentir de temps à autre les secousses de leurs obscures machinations. Il y a une puissance occulte qui s’exerce à côté et au détriment des pouvoirs publics officiels, qui trembleraient peut-être à la première conflagration européenne. La Suisse n’a point cessé d’être le théâtre d’une lutte prolongée avec des chances diverses entre le radicalisme et l’esprit conservateur. Un jour, c’est à Fribourg ; un autre jour, c’est à Genève, où M. Fazy vient de voir casser sa dictature par le vote populaire. Joignez à ceci les complications diplomatiques survenues entre la Suisse et l’Autriche, et qui ne sont point encore aplanies. Il est pourtant des pays heureusement moins accessibles à ce genre de luttes et de complications. La Belgique a ses incidens, mais ces incidens eux-mêmes tendent moins aujourd’hui à agiter le pays qu’à l’affermir. Le plus saillant sans contredit en 1853 est le mariage du duc de Brabant, qui rattache la jeune monarchie belge aux vieilles monarchies, — et en ce moment les difficultés qui étaient restées comme un élément de trouble ou d’incertitude dans les relations politiques et commerciales de la Belgique avec la France semblent sur le point d’être résolues par la conclusion d’un traité définitif destiné à remplacer le traité de 1845. La convention littéraire du 22 août 1852 resterait intacte dans ces arrangemens. Ce qui a dû hâter la marche de ces négociations avec la France, c’est infailliblement la rupture des négociations suivies d’un autre côté par la Belgique avec le Zollverein. On ne saurait douter de cette rupture après la communication du ministère prussien à toutes les chambres de commerce sur l’expiration du traité de 1844, qui réglait les rapports de la Belgique avec l’association allemande. À côté de la Belgique, la Hollande, après avoir traversé les agitations religieuses de l’été dernier, est revenue à un ordre de préoccupations plus calmes et moins périlleuses. En peu de jours, deux discussions remarquables se sont succédé dans les états-généraux de La Haye, l’une sur le budget, l’autre sur une proposition faite par quelques membres de la seconde chambre pour l’abolition des droits d’abattage et de tonnage. Cette dernière question surtout a pris promptement un caractère assez vif ; elle est devenue l’occasion d’une lutte entre la politique du cabinet actuel et la politique représentée par l’ancien ministère, dont deux membres. MM. Thorbecke et van Bosse, étaient au nombre des auteurs de la proposition. La discussion engagée