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s’étendre, et le soin des animaux l’emporte sur tout. On cultive des racines et des plantes fourragères pour nourrir le bétail pendant l’hiver; l’été, on l’abandonne à lui-même dans les herbages. La race primitive des bœufs du Galloway est petite, sans cornes, très rustique, et donne une viande des plus délicates. Dès l’union des deux royaumes, l’exportation de ces excellens bœufs de boucherie pour l’Angleterre a commencé, et depuis cent cinquante ans elle n’a fait que s’accroître; mais une révolution semblable à celle qu’on remarque dans les districts anglais analogues se manifeste depuis quelque temps. Les fermiers du Galloway se bornaient à faire des élèves qu’ils vendaient à l’âge de deux ou trois ans, et qui allaient s’engraisser principalement dans le Norfolk. Depuis que les chemins de fer ont établi des rapports plus directs avec les marchés de consommation, on améliore les pâturages par le drainage et par d’autres soins, on augmente par des cultures spéciales la nourriture d’hiver, et on commence à produire des bestiaux gras. La race courtes-cornes, qui ne manque presque jamais d’arriver partout où l’industrie de l’engraissement s’unit à celle de l’élevage, se propage rapidement et tend à remplacer ou du moins à modifier profondément l’ancienne race. La qualité de la viande n’y gagnera pas, mais la quantité en sera fortement accrue, et c’est à la quantité surtout que l’on s’attache. Une autre industrie, celle des laiteries, tend aussi à s’établir dans le Galloway, où elle était peu répandue, malgré le voisinage du comté d’Ayr. On cite surtout la ferme de Baldoon, exploitée par M. Caird, l’auteur des Lettres sur l’Agriculture anglaise, et qui offre un des meilleurs modèles qu’il soit possible de voir d’une laiterie de cent vaches bien organisée.

Le comté d’Ayr, limitrophe du Galloway, a une histoire plus brillante. A la fin du siècle dernier, tout y était encore dans l’état le plus déplorable : « Il y avait à peine une route praticable dans la contrée, dit un écrivain local; les maisons de ferme étaient des cabanes couvertes de chaume, construites en terre, avec le foyer au centre et une seule ouverture pour la fumée, et tout entourées de fumier. La terre était couverte de mauvaises herbes de toute espèce. On ne voyait ni récoltes vertes, ni prairies ensemencées, ni chariots. On ne cultivait aucun légume, à l’exception de quelques choux d’Ecosse, qui formaient, avec du fait et de la farine d’avoine, toute la nourriture de la population. On demandait au même champ des récoltes successives d’avoine sur avoine, tant qu’il pouvait fournir un excédant sur la semence; après quoi, il restait dans un état absolu de stérilité, jusqu’à ce qu’il revînt de nouveau eu état de donner une misérable récolte. La rente se payait généralement ni en nature, sous le nom de moitié-fruit. Le bétail mourait de faim en hiver et pouvait à peine se lever sans aide quand le printemps arrivait. Aucun fermier ne