Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

transfiguré, apparaissent les plaines ondulées qui entourent Edimbourg sur une autre étendue d’environ 500,000 hectares, et qu’on appelle les Lothians. Ici la culture devient véritablement sans pareille. Les rentes de 100, 200, 300 francs l’hectare sont assez communes; la moyenne est de 75 francs, avec un bénéfice à peu près égal pour le fermier. C’est dans les prairies situées près d’Edimbourg, et qui reçoivent les égouts de cette ville, que le maximum de la rente jusqu’ici obtenu dans la Grande-Bretagne, 2,000 fr. l’hectare, a été atteint. Les Lothians se distinguent surtout par la culture des céréales, ils produisent à eux seuls presque tout le froment recueilli en Écosse. Ce sol était considéré autrefois comme ne pouvant pas même porter du seigle; on n’y cultivait que l’orge et l’avoine, qui sont encore les seules céréales généralement usitées dans le reste du pays; on raconte qu’un champ de 8 acres ou 3 hectares semé en froment, à un mille d’Edimbourg, en 1727, fut l’objet de la curiosité universelle. Aujourd’hui un cinquième des terres, ou 100,000 hectares environ, est en froment, et on y récolte dans les bonnes années de 30 à 40 hectolitres par hectare. C’est encore l’assolement de Norfolk, plus ou moins modifié, suivant les circonstances locales, mais conservant ses caractères généraux, qui a produit cette fécondité. La culture des turneps, base de cet assolement, n’est nulle part mieux entendue. Toutes les améliorations agricoles sont réalisées dans les Lothians plutôt qu’en Angleterre. Un drainage complet a été depuis longtemps effectué; chaque ferme ou à peu près a sa machine à vapeur; la stabulation du gros bétail est une pratique ancienne et générale. Même pour l’emploi des machines, on est en avant; la machine à battre, thrashing machine, a été inventée, à la fin du siècle dernier, par un Écossais nommé Meickle, et l’Écosse s’en est servie avant l’Angleterre; c’est encore un Écossais, nommé Bell, qui vient d’inventer la machine à moissonner, et qui a eu la priorité pour cette invention sur les Américains. Près de Haddington, chez le marquis de Tweeddale, ont eu lieu les plus grandes et les plus heureuses tentatives qui aient été faites jusqu’ici dans les trois royaumes pour labourer à la vapeur.

Autrefois, dans les Lothians comme dans le reste de l’Écosse, les terres d’une ferme étaient partagées en ce qu’on appelait l’infield et l’outfield. L’outfield restait absolument inculte et servait de pâturage; dans l’infield au contraire, les récoltes de céréales se succédaient sans interruption, orge et avoine coup sûr coup : il serait difficile d’imaginer une pratique plus vicieuse. L’usage de la jachère a été un progrès sur cette barbarie; son introduction a coïncidé avec celle du froment de 1725 à 1750; on en attribue principalement l’honneur au sixième comte de Haddington, qui en avait vu les bons effets en