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savans et doués d’intelligence qui ont voyagé dans les autres pays bouddhiques, chez les Birmans, à Siam, et traversé diverses provinces de l’Inde. En général, ils doivent posséder tous une certaine instruction, puisque la direction des écoles leur est confiée. Parmi les quatorze ouvrages qui composent le cours d’études des jeunes Singhalais, quelques-uns sont des traités de morale rédigés en manière d’aphorisme : « Une bonne action faite en ce monde reçoit sa récompense dans l’autre, de même que l’eau versée à la racine d’un arbre reparaît en haut dans les fruits et dans les fleurs! — Le bienfait accordé au bon est comme les caractères gravés sur la pierre; le bienfait accordé au méchant est comme des caractères tracés sur l’eau. » De pareils enseignemens ne peuvent qu’être utiles à la jeunesse : ils prédisposent l’esprit à la réflexion et éveillent l’imagination de ces peuples à l’intelligence hâtive; mais il n’en est pas de même de la philosophie nébuleuse qui en est déduite, et dont nous avons exposé les principales formules. Les religieux qui forment les enfans à la sagesse sont-ils eux-mêmes doués des vertus que commande leur état ? N’a-t-on jamais à leur reprocher ni inconduite ni déport émeus ? Ils sont hommes, c’est assez dire que leur vie n’est pas toujours un modèle de sainteté et de sagesse. De plus, ils semblent ne point connaître la conscience, ce juge intérieur que les philosophes hindous appellent si justement le témoin. En somme, ils valent peut-être mieux que les brahmanes de l’Inde; seulement l’opinion publique les ménage moins que ceux-ci, parce qu’ils ne forment pas une caste puissante, redoutable dans ses vengeances. A Ceylan, le peuple ne respecte pas les religieux à cause de la robe jaune, mais selon les mérites, les qualités et les vertus de ceux qui la portent. Comme les fidèles sont souvent ramenés par la douleur et la maladie à réfléchir sur les maux de l’existence présente, ils entourent également d’une vénération particulière ceux des moines qui exercent la médecine. Il va sans dire que le médecin bouddhiste s’est exercé à l’étude des rites ascétiques. Il traite son patient d’après la méthode de l’empirisme, et doit même y joindre le charlatanisme des incantations et des conjurations magiques sans lesquels il ne saurait y avoir, pour ces peuples simples et superstitieux, de guérison efficace.

Nous avons pris le religieux singhalais au sortir de l’enfance; nous l’avons suivi à travers les phases diverses de sa vie monastique; il nous reste à le conduire sur le bûcher où l’on brûle son corps quand il a cessé d’exister. Une vingtaine de moines rangés sur deux lignes accompagnent leur collègue jusqu’au lieu où se dresse une grande pile de pièces de bois sur lesquelles sont étendues des feuilles de cocotier. Quand le cadavre du mort est couché sur ce lit verdoyant, la face tournée vers la terre, on y met le feu, et bientôt il