Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diverses régions, provoquant au combat, avec mille gestes et grimaces, le démon ou le dieu qui habite chacune de ces prétendues sphères des régions invisibles. Toujours vainqueur, il marche triomphant jusqu’à la frontière de l’univers bouddhique; là, il rencontre un religieux qui s’avance sans autre arme que son vase à recueillir les aumônes. Le danseur redouble d’arrogance à la vue du mendiant, il le menace, il se précipite d’un pas hardi sur le sol sacré;... mais tout à coup il tombe foudroyé par la vertu de Bouddha, qui se cachait sous les traits du pauvre religieux.

Les fonctions du moine singhalais dans ses rapports avec le peuple ne se bornent pas à la lecture des livres de la loi. Appelé près d’un malade, il psalmodie des stances dont il ne comprend pas même le sens, à peu près comme un sorcier récite des formules cabalistiques. Dans les réunions populaires où il s’agit de conjurer la puissance des démons ennemis de l’homme, fêtes brillantes qui attirent un immense concours de fidèles, comme celles du vass dont nous avons parlé plus haut, le religieux lit et récite encore pendant huit jours consécutifs; durant la nuit même, la lecture n’est pas interrompue un seul instant. C’est encore par des lectures et par des méditations de divers genres, dont les textes sacrés apprennent le secret, que les bouddhistes prétendent acquérir sur le monde extérieur un pouvoir surnaturel. pour arriver à ce degré supérieur de l’échelle des êtres, le religieux se livre à l’exercice des rites ascétiques. La partie des ouvrages bouddhiques qui traite de ces matières étant obscure et parfaitement ridicule, nous nous garderons bien d’en rien citer. Les rêveurs qui espèrent atteindre à la puissance surnaturelle partent de ce principe très vrai, que l’esprit l’emporte sur la matière, et que l’âme n’est arrêtée ni par le temps ni par l’espace; mais ils en tirent des conclusions tout à fait inattendues. A force de méditer, disent-ils, on peut accroître infiniment les forces de l’esprit. « Comme le boulanger, quand il fait le pain, assemble la pâte par degrés, comme le laboureur ajoute un sillon à d’autres sillons, ainsi le religieux qui pratique les rites ascétiques élargit le cercle de sa puissance d’un pouce à un empan, de manière à l’étendre au monastère entier, au village, au royaume, à la terre, etc. »

L’acquisition du pouvoir surnaturel est recherchée par le religieux singhalais avec d’autant plus d’ardeur, qu’elle est pour lui un gage presque assuré de son triomphe sur les objets extérieurs, sur les êtres créés, et par conséquent sur la vie elle-même. On ne peut y arriver qu’après avoir pratiqué une ou plusieurs des cinq espèces de méditations. Quand un religieux médite, il doit exercer son désir, c’est-à-dire former un souhait : «Que les êtres créés d’un ordre supérieur puissent être heureux ! que les pauvres délivrés de la