Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec lui ni ses biens, ni sa fortune ; le linceul même qui le couvre est brûlé! Quand il est près d’expirer, ni parens, ni amis, ni compagnons ne pourraient le sauver! Celui qui meurt n’est accompagné que de ses mérites et de ses démérites... ».


Nous abrégeons ce passage, précisément à cause de la similitude qu’il offre avec les pensées chrétiennes : ces vérités élevées n’ont rien de nouveau pour nous. Chose étrange, ceux qui méditent sur ces belles pages, au lieu de conclure qu’il y a une autre vie où l’âme humaine doit trouver la satisfaction de ses immenses désirs, se retirent dans une négation désespérée. Ils dédaignent tous les biens de la vie comme une illusion, comme un leurre qui séduit l’esprit et l’entraîne dans le tourbillon des naissances à venir. Mieux vaut pour eux cesser d’être, s’abîmer dans un incompréhensible néant : c’est donc l’art de mourir une fois pour toutes que le novice vient étudier dans le monastère.

Quand son temps d’épreuves est fini et qu’il a atteint ses vingt ans, quand il a rempli, durant de longues années, près d’un précepteur spirituel, le rôle de disciple et de serviteur, quand enfin il a étudié dans les textes sacrés la discipline et la morale, le novice déclare aux religieux son intention de recevoir l’investiture, et le chapitre s’assemble. On demande au récipiendaire s’il est homme, s’il est libre, s’il n’est point lié par quelque dette d’argent, s’il n’est point engagé au service du roi, s’il a le consentement de sa famille, enfin s’il a l’âge et les connaissances requis pour être admis parmi les religieux. Quand il peut répondre affirmativement à ces diverses questions, le chapitre procède à l’admission du candidat par assis et levé. Le novice écoute alors la lecture qui lui est faite des observances et de la manière de vivre auxquelles il va être astreint; il promet de s’y soumettre, et, sans qu’il ait besoin de prononcer de vœux proprement dits, ni de se lier par un serment irrévocable, le voilà revêtu de la robe jaune. C’est presque toujours à Kandy, résidence du chef de la doctrine et de son assesseur, qu’ont lieu les ordinations. Autrefois, dans les occasions solennelles, la cérémonie de l’investiture commençait par une procession à travers les rues de la capitale. Le roi y assistait avec ses deux ministres et quatre grands personnages de sa cour; les bannières flottaient au vent, la musique résonnait; c’était une de ces fêtes publiques dans lesquelles brillaient aux regards de la foule les éléphans et les chevaux couverts de housses richement brodées. Il y a bien encore aujourd’hui de ces promenades bruyantes si chères aux populations de l’Inde, mais elles ont perdu beaucoup de leur éclat depuis que la race antique des rois de Kandy ne règne plus à Ceylan.

Instruire la jeunesse, adorer les reliques de Gôtama, mendier et méditer, sont les principales occupations du religieux bouddhiste.