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les faits tels qu’ils se succèdent, admirant les grandes choses accomplies et blâmant résolument les aventures, surtout celles qui n’ont pas réussi ; mais les actes qu’il condamne avec le plus d’éclat, — la guerre de Prusse en 1806, la guerre d’Espagne en 1808, l’enlèvement du pape en 1809, la guerre de Russie, dont il est, nous l’espérons, à la veille de nous entretenir, — toutes ces entreprises partielles, coupables ou dangereuses, ne ressortaient-elles pas du vaste système embrassé par la puissante tête de Napoléon dès la fin de 1805 ? Ces tentatives furent-elles des accidens de sa politique et de sa vie ou les conséquences presque logiques d’une idée fondamentale qu’il aurait fallu tout d’abord juger ? Telle est la question à décider, et nous avons eu bien moins la prétention de la résoudre que de la poser dans ce travail.

Ce serait manquer à la justice que de ne point rappeler, après ce grand monument, auquel il ne manque plus que ses dernières assises, le livre si distingué de M. Armand Lefebvre. Ces pages condensées révèlent un homme que de substantielles études préparaient dans la retraite au maniement des affaires. Malgré une consciencieuse admiration pour l’empire, il y règne un esprit de modération pratique et un sentiment du droit européen qui ont manqué malheureusement à la plupart des appréciateurs de cette époque immortelle.

Ce sont là des tableaux dont la beauté sérieuse ne sera pas surpassée. Aussi ne m’expliqué-je pas quel intérêt peut porter à reprendre aujourd’hui en sous-œuvre et à récrire à frais nouveaux les annales d’un temps dont M. Thiers achève l’histoire, et dont M. Marco Saint-Hilaire a enluminé depuis si longtemps la légende. M. Emile Bégin l’a estimé utile. Il a cru possible de fondre l’histoire politique dans l’histoire populaire et de marier la manière de Tacile avec celle de Franconi. Son livre promet trop de choses pour n’en pas laisser regretter quelques-unes. Il n’annonce en effet rien moins qu’une Histoire de Napoléon, de sa famille et de son époque, au point de vue de l’influence des idées napoléoniennes sur le monde.

L’influence des idées napoléoniennes sur le monde ne peut être appréciée que par le rapprochement des plans de Napoléon avec les œuvres accomplies, et par un parallèle sincère entre les théories et les résultats ; or M. Bégin énonce, ce me semble, le problème plutôt qu’il ne s’efforce de le résoudre. Une histoire de la famille de Napoléon peut offrir aux études biographiques un champ tantôt grave, tantôt charmant ; mais, en liant trop étroitement ce sujet à la politique même de l’empire, on s’engage dans l’alternative, ou de sacrifier l’empereur à sa famille, ou sa famille à l’empereur. Les frères et les sœurs de Napoléon étaient sans doute pour la plupart des personnages d’une remarquable distinction, et peu de familles ont présenté