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pour le pouvoir civil et le gouvernement presbytérien. Malgré la défense d’approcher de Londres de plus de vingt-cinq milles, elle avançait à grands pas, elle arrivait à Putney, à Kensington ; ses généraux se réunissaient dans Holland-House, cette belle résidence que tout le monde connaît, bientôt les troupes campaient dans Hyde-Park, sur une colline qui domine l’ouest de Londres (Hay-Hill). Aussitôt toutes leurs demandes sont accordées, et onze membres désignés par leur défiance, les chefs presbytériens, j’ai pensé dire les girondins, sont mis en accusation ou du moins expulsés pour six mois de la chambre. Les coups d’état de la révolution sur elle-même ont commencé, et l’on prononce le mot de république.

Que fait cependant le roi, dont les troupes tiennent encore dans le nord et dans l’ouest ? Il négocie assez publiquement avec les pariétaires, plus secrètement avec les généraux, sincèrement avec personne. Il se tient à Hampton-Court, plutôt surveillé que gardé, et, craignant à chaque instant d’être enlevé, il disparaît tout à coup. L’alarme fut vive à cette nouvelle, et les partis se rapprochèrent un moment ; mais on apprit que par une inspiration singulière, il s’était retiré à l’île de Wight. Là, sous la garde d’un jeune ami de Cromwell, le colonel Robert Hammond, il se trouva moins libre qu’à Hampton-Court. Le parlement, interdisant toute relation officielle avec lui, le suspendit de son pouvoir, et la république fut établie de fait.

L’opinion y était peu préparée, au moins dans la bourgeoisie de Londres. Toute rigueur nouvelle envers le roi la ramenait à lui. L’armée était suspecte et irritée. Cromwell était comme l’armée. Il avait dit souvent qu’il fallait épurer le parlement. On parlait de l’accuser, mais son refuge était dans les camps. Il part donc, il va commander dans l’ouest, prend d’assaut Pembroke, livre et gagne la bataille ou plutôt les batailles de Preston, et entre vainqueur dans Edinburgh. Plus le roi est abaissé, plus le parlement ou ce qui en reste incline à traiter. La paix en sera plus avantageuse, et la domination imminente des indépendans la rend plus désirable. Tandis qu’on délibère, un ordre du général Fairfax fait enfermer le roi dans le château de Newport, puis dans celui de Hurst. Les chambres s’indignent de cet attentat subit. Le 5 décembre 1648, celle des communes adopte certaines bases de négociation ; le lendemain, le colonel Pride fait occuper les avenues de Westminster, et ne laisse entrer dans la salle des délibérations que des membres choisis. Quarante-un sont arrêtés. Le soir même, le lieutenant-général Cromwell arrive à Londres et reçoit un vote de remerciement pour ses exploits dans le nord. Il n’était pour rien dans la fameuse épuration du colonel Pride ; sir Thomas Fairfax commandait seul à White-Hall, et le gouvernement militaire commençait.

Tout cela pourtant n’était pas improvisé. Cette révolution n’était