d’eau, dont le poids mathématique confond l’imagination, reste donc toujours ballottée de l’atmosphère à la terre, tombant sans cesse en pluie pour remonter sans cesse en vapeur, retombant, remontant indéfiniment, ce qui, d’après la remarque d’un de mes auditeurs de salon (remarque produite avec la plus profonde conviction), doit être un rôle fort ennuyeux imposé à cette malheureuse masse d’eau !
Le lecteur a sans doute deviné que ce qui précède a été dit pour arriver à l’explication des fontaines, qui ne sont autre chose que des eaux de puits infiltrées dans des terrains sablonneux ou perméables, et arrêtées par des couches impénétrables de roc, de craie ou d’argile, sur lesquelles elles glissent jusqu’à ce qu’elles trouvent dans la pente une issue où elles viennent sourdre. C’est ainsi que les eaux des puits forés nous arrivent, entre deux couches imperméables, des extrémités de la Champagne à plusieurs centaines de kilomètres de Paris. On a beaucoup écrit sur les fontaines qui se trouvent placées au sommet de certaines collines ou montagnes, et notamment sur les trois ou quatre fontaines indigentes d’eau qui se voient sur la butte Montmartre. Tout calcul fait, la quantité de pluie tombée sur cette petite localité, d’après les indications des pluviomètres, est bien plus que suffisante pour alimenter les maigres sources, et là comme ailleurs on se demande ce que devient le surplus. On cite l’exemple d’un terrain pavé où l’on avait entassé des décombres qui, ayant été imbibés d’eau pendant tout l’hiver, produisirent pendant l’été une petite source permanente. C’était, comme pour les fontaines ordinaires, un réservoir d’eau où ce liquide s’était accumulé dans la saison pluvieuse, et qui se vidait peu à peu par un écoulement gradué.
J’arrive maintenant à la conclusion pratique de ces pages, — je veux dire à la formation des fontaines artificielles. C’est une des plus importantes applications de la météorologie, et, chose surprenante, qui n’a jamais été mise à exécution, malgré mes indications offertes au public ou réclamées par divers propriétaires, ou par diverses communes désireuses de se procurer cet indispensable objet d’universelle consommation, — de l’eau !
J’exposerai à mes lecteurs, que j’engage à tenter ces utiles essais, la construction des fontaines artificielles d’après le fameux Bernard de Palissy, lequel, il y a cent cinquante ans, est venu me prendre à moi, modeste académicien du XIXe siècle, cette découverte que je m’étais donné bien de la peine à faire. Il y a de quoi décourager tous les inventeurs, puisqu’on trouve des plagiaires dans le passé comme dans l’avenir ! Pour donner plus de poids à mon devis, j’emprunte les bases de mes assertions à M. Seguin aîné, de notre académie des sciences de l’Institut, oracle qu’on peut consulter en toute sûreté.
Deux hectares dans la France, et notamment dans les environs de Paris, reçoivent à peu près par an 10,000 mètres cubes d’eau, dont la moitié peut être utilisée pour la fontaine artificielle, c’est-à-dire environ 5,000 mètres cubes. Or ce que les fontainiers appellent pouce d’eau est une fontaine, qui fournirait aisément aux besoins de deux forts villages, hommes et bestiaux. Une fontaine donnant un demi-pouce d’eau fournit par an 3,650 mètres cubes d’eau (à raison de 20 mètres cubes par jour pour le pouce d’eau). C’est beaucoup moins que les 5,000 mètres cubes d’eau de pluie que l’on peut