Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/1044

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au reste, comme sur notre terre les continens ne sont à peu près que le quart de la surface totale, on voit que c’est principalement sur le régime des mers que doit se régler la distribution de la chaleur et des eaux. Ainsi les vents d’ouest, qui donnent à l’Europe un climat si exceptionnellement beau et qui permettent de cultiver l’orge jusque dans les latitudes élevées du Cap-Nord, parce qu’ils nous apportent la chaleur du gulf-stream, dont ils touchent les eaux dans leur course, font exactement le même effel pour le fertile climat de l’Orégon, sur lequel ils apportent la chaleur du contre-courant d’eau chaude qui occupe le nord de l’Océan Pacifique, comme le gulf-stream américain occupe le nord de l’Atlantique.

Les orates électriques ont été comptés par plusieurs ailleurs parmi les plus puissans moyens d’irrigation de la terre. Il est certaines localités, la Jamaïque par exemple, où, dans certaines saisons, tous les jours à heure fixe, il éclate un violent orage de foudre qui se termine par une pluie abondante. Sans doute l’électricité, dont le principal rôle, est de tenir écartés les corps qui on sont chargés, peut en se retirant laisser la voie ouverte au rapprochement des globules de vapeur et en permettre la précipitation ; mais si l’on fait attention que dans toutes les localités à orages électriques, on voit à une certaine heure de l’après-midi monter l’air échangé par le soleil du matin. et que cet air porté dans les hautes régions de l’atmosphère doit s’y refroidir énormément, on comprendra qu’il est inutile de recourir à l’électricité pour avoir la cause de la pluie qui suit cette ascension de l’air des plaines. C’est aussi cette même ascension qui produit l’électricité, car si l’on place au bout d’un bâton un corps quelconque bien isolé, par un temps bien clair et dans un lieu découvert, on verra qu’en élevant ce corps seulement de quelques décimètres, il donnera des signes manifestes d’électricité et même des étincelles, s’il est assez volumineux, et si on l’élève de quelques mètres au-dessus de la position qu’il occupait primitivement.

Ainsi, pour ne point passer trop légèrement sur ces pluies d’orages, si fertilisantes pour le sol, nous répéterons que la chaleur intense des rayons solaires, dilatant l’air de la surface du sol ou de la mer, le rend plus léger que l’air supérieur, et lui fait prendre ainsi un mouvement ascendant, en vertu duquel il s’élève en se dilatant et se refroidissant de plus en plus, et donnant, par suite, une précipitation d’eau abondante et presque subite. Telle est aussi l’origine des trombes, des tornados, et de tous ces météores désastreux produits par une violente aspiration de l’air opérée de haut en bas, tandis que l’air avoisinant, qui se précipite avec furie vers l’espace laissé vide par le soulèvement des couches devenues trop légères, renverse tout sur son passage. Quand on lit les mille relations des ouragans des Antilles et des typhons de la mer des Indes, où des forêts entières sont enlevées dans les airs, les plus solides édifices rasés jusqu’à leurs fondemens. les vaisseaux portés dans les terres, les poutres et les pierres lancées avec la vitesse des boulets de canon, enfin où le sol lui-même est dénaturé par le comblement des vallées, la destruction des collines et l’anéantissement des rivières, on a besoin de se rappeler que l’air, bien plus léger que l’eau, compense par une bien plus grande vitesse ce qui lui manque du côté du poids, et que, dans le choc des corps élastiques, la vitesse influe encore plus que la masse.

Ceci nous conduit à l’arrosement des pays qui ont ce qu’on appelle une