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sont les deux grands fleuves connus sous les noms d’Orénoque et d’Amazone. Par-delà la Cordillère sont les plaines de Lima, où l’air redescend sec et comprimé par cette descente, et où par suite il ne pleut jamais. Après avoir traversé l’immense Océan Pacifique et avoir repris de l’humidité, le vent alisé, toujours marchant à l’ouest, aborde la Cochinchine et le pays de Siam et y dépose d’immenses cours d’eau. Enfin, traversant la mer des Indes, il atteint en Afrique la contrée montagneuse où sont les sources du Nil, et s’y dépouille de la vapeur qu’il contenait pour souffler ensuite à l’état de vent sec sur les déserts de l’Afrique intérieure. On aura de même l’explication de l’arrosement du bassin du Gange en se rapportant à la mousson qui porte pendant la moitié de l’année l’air chaud des mers de l’Inde vers les versans méridionaux de l’Himalaya, pour y déposer l’énorme masse, de vapeur que cet air contient en vertu de sa chaleur très grande. L’air qui part du golfe du Mexique et qui remonte au nord au travers de l’Amérique septentrionale pour aller rejoindre le courant d’air dirigé en sens contraire, et qui souffle des États-Unis vers la France et l’Europe, donne naissance au Mississipi, au Missouri et à tous leurs affluens, dont la masse d’eau rivalise avec celle de l’Amazone. En un mot, partout où les vents dominans amèneront un air chaud et humilie, destiné à s’élever dans l’atmosphère, il y aura pluie et irrigation du sol.

La limite de hauteur des neiges éternelles qui couronnent les hauts sommets des chaînes de montagnes offre cette particularité, que des deux côtés de la chaîne souvent la licite ne se tient pas à la même hauteur. C’est ainsi que les pentes méridionales de l’Himalaya, qui regardent la mer des Indes, sont beaucoup plus chargées de neiges que les pentes opposées, et que les neiges commencent à une bien plus petite hauteur. Il en est de même des Alpes Scandinaves, dont les flancs occidentaux, qui font face à l’Atlantique, ont la neige éternelle à une bien moindre hauteur que les pentes orientales, qui regardent la Russie. Dans l’un et dans l’autre de ces cas, c’est le côté qui reçoit l’air chaud et humide qui se couvre le plus abondamment de neige, car la mer des Indes d’une part est à un degré de chaleur bien supérieur à celui des plaines élevées et froides du Thibet, qui borde au nord la chaîne de l’Himalaya, et d’autre part les vents d’ouest, qui arrivent chauds et humides après avoir passé sur les courans chauds du nord de L’Atlantique, sont bien supérieurs en température et en quantité de vapeur aux vents secs et froids qui arrivent de l’est aux Alpes de Norvège.

Quand on considère l’ensemble de notre globe, on reconnaît que la nature a tout fait pour établir une distribution égale de chaleur et d’humidité, ou plutôt pour compenser les inégalités qui existent et les restreindre dans certaines limites. Ainsi les couches d’air intertropicales soulevées par la chaleur d’un soleil vertical vont se déverser vers les deux pôles par-dessus les couches intermédiaires, et par contre des masses d’air frais arrivent pour les remplacer des deux pôles vers l’équateur en rasant le sol près de la surface. Les masses déversées supérieurement portent vers les pôles leur chaleur et leur humidité surabondante, et celles qui reviennent vers l’équateur y tempèrent l’excès de la chaleur solaire. Tous ces grands mouvemens de la chaleur et des eaux y sont variés de mille manières par la forme du terrain, la présence des montagnes, et par la distribution bizarre des mers et des continens.