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notre planète, nous examinerons par quelles voies la nature soulève les eaux des océans pour les répandre ensuite en pluies fertilisantes sur les diverses régions continentales et en former ensuite les rivières, qui ramènent à l’océan le surplus des eaux qui n’ont point été reprises par l’air ou employées aux besoins de la végétation. Dans cet examen, nous supposerons connues toutes les lois de la physique et de la météorologie, et nous admettrons encore que le lecteur a sous les yeux ou dans sa mémoire la disposition géographique des mers et des terres depuis le nord jusqu’au sud, et tout autour du globe depuis l’orient jusqu’à l’occident.

C’est un fait parfaitement établi que toute masse d’eau maritime, fuviatile ou marécageuse émet à tout degré de chaleur des vapeurs invisibles qui se mêlent à l’air qui repose sur ces eaux ou même sur les terrains humides. Ces vapeurs deviennent sensibles en bien des cas par les brouillards, par les nuages, qui souvent dessinent en l’air par un temps calme la forme des rivières, des étangs, des marécages, qui ont fourni en amas de vapeurs devenues visibles. Je n’ai pas besoin de dire que plus la chaleur est grande, plus l’évaporation qui fait passer l’eau dans l’atmosphère est active, et que l’air des pays chauds contient beaucoup plus de vapeur d’eau que celui des zones glaciales. L’air à 30 degrés du thermomètre centigrade contient six fois plus de vapeur que l’air où le thermomètre est à zéro.

De même que la chaleur fait passer sous forme de vapeur invisible l’eau dans l’atmosphère, le refroidissement fait repasser cette vapeur à l’état d’eau liquide et sensible. C’est ce qu’on voit tous les jours lorsque l’on apporte dans une chambre échauffée des objets refroidis dans une pièce voisine où règne un froid vif ; on voit tous ces objets se couvrir d’humidité. C’est ainsi que les riches cristaux apportés au dessert sur une table servie dans une pièce dont l’air est plein de vapeur par l’évaporation des mets, la respiration des convives et la combustion des lumières de toute sorte, sont immédiatement, ternis par une épaisse couche de rosée fournie par la vapeur invisible de l’air environnant. Souvent, en entrant dans une salle de spectacle, les verres des lunettes refroidis par l’air du dehors sont obscurcis par un semblable dépôt d’humidité, qui est un véritable dépôt de rosée. Enfin les physiciens, en entourant un grand entonnoir de métal d’un réfrigérant convenable, en font ruisseler l’eau comme d’une petite source continue.

Nous signalerons donc, comme première cause d’arrosement de la terre, le dépôt d’humidité qui se fait de l’air chargé de vapeur sur la terre refroidie par son exposition à un ciel bien découvert où le sol envoie en pure perte la chaleur qu’il a prise le jour, et se refroidit par suite au point de provoquer le dépôt de la vapeur contenue dans l’air. On trouve cette puissante cause de refroidissement indiquée dans les écrivains de la plus haute antiquité, et notamment dans Homère. Avant la conquête française de l’Algérie, une des plus grandes souffrances des Européens captifs en Afrique était le froid des nuits claires, et cette cause y occasionne encore, comme en Égypte, en Perse et dans toute la zone torride, une quantité d’ophthalmies qui dégénèrent en cécité complète. Dans tous les pays où il ne pleut pas, la seule source d’arrosement naturel est donc cette rosée, qui, tout abondante qu’elle est dans certaines localités où l’air très chaud est par là même très chargé de vapeurs,