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solennelles et chaque jour réitérées de la Russie. Il ne s’associa donc pas à l’initiative prise par son charge d’affaires à Constantinople ; il approuva au contraire l’amiral Dundas, qui ne s’était pas rendu à l’appel du colonel Rose, et regretta que la France se fût hâtée d’envoyer son escadre dans les eaux de Grèce. « Le gouvernement de sa majesté, disait lord Clarendon au comte Walewski, est disposé à se fier à l’empereur de Russie, de qui nous avons reçu les assurances les plus solennelles que c’est à la fois son intérêt et son intention de maintenir l’empire turc, et que s’il s’opérait un changement dans ses vues à cet égard, il nous en ferait part immédiatement sans hésitation et sans réserve. Aucune communication de ce genre ne nous ayant été faite, nous sommes tenus de croire jusqu’à preuve contraire que la mission du prince Menchikof n’a pas un caractère menaçant pour l’indépendance et l’intégrité de la Turquie[1]. » En même temps le gouvernement anglais se servait du témoignage de sa confiance vis-à-vis de la Russie pour lier davantage l’empereur Nicolas aux promesses qu’il avait faites. Dans une dépêche du 23 mars, adressée à sir Hamilton Seymour pour être communiquée à M. de Nesselrode, lord Clarendon, après avoir dit l’émotion excitée en France et en Angleterre par les nouvelles de Constantinople et les bruits répandus sur les exigences du prince Menchikof, ajoutait : « Le gouvernement de sa majesté n’a point ressenti l’alarme ni partagé les appréhensions que les faits et les rumeurs auxquels je viens de faire allusion peuvent paraître justifier, car en plus d’une occasion il a reçu l’assurance personnelle de l’empereur de Russie qu’il était déterminé à maintenir l’indépendance de l’empire turc, et que si les vues de sa majesté impériale venaient à subir quelque changement à l’égard de cette importante question, il le ferait franchement savoir au gouvernement de sa majesté. Aucune communication semblable n’ayant été reçue, le gouvernement de sa majesté est sûr que, quels que soient les objets de la mission du prince Menchikof, ni l’autorité du sultan, ni l’intégrité de ses états, ne sont en danger. » Lord Clarendon cherchait ensuite à expliquer l’envoi de la flotte française et à en atténuer l’effet. « La France, disait-il, n’était pas dans la même position que l’Angleterre. Elle était engagée dans la question des lieux-saints ; elle n’avait pas reçu du gouvernement russe les mêmes assurances sur les vues de l’empereur. Il n’était donc pas étonnant que, dans la crainte d’un démembrement prochain de la Turquie, elle eût pris une détermination hâtive ; mais le gouvernement anglais espérait que, dans l’intérêt de la paix, l’empereur Nicolas recommanderait au prince Menchikof d’avoir soin, en assurant les droits de l’église

  1. The earl of Clarendon to lord Cowley, march 22, 1853. Corresp., part I, n° 111.