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SCENES ET RECITS


DES ALPES




LA FILLOLE DES ALLEMAGNES.[1]





I

On pourrait s’étonner que Genève eût donné son nom au Léman, dont elle n’occupe qu’un point extrême et presque imperceptible, si la célébrité de cette Rome du protestantisme, élevée si haut par l’intelligence, la probité et l’esprit de conduite, n’expliquait suffisamment une pareille usurpation. À vrai dire pourtant, le pays de Vaud aurait droit de réclamer à plus juste titre la propriété de ce beau lac, qu’il enveloppe presque tout entier de ses vignobles, de ses vergers, de ses villas et de ses bourgades : Le Léman semble lui appartenir par je ne sais quel rapport entre ses eaux riantes et la race qui habite ses rives. C’est le même charme attirant, la même facilité d’abord, les mêmes grâces un peu nonchalantes, et aussi, faut-il le dire ? parfois la même mobilité. Là, comme sur le lac, des vents s’élèvent sans que rien les ait annoncés, des courans emportent sans qu’on puisse en deviner la cause : les variations des esprits sont à peine égalées par celles des ondes. C’est ainsi que, philosophe au commencement

  1. La Filleule du canton allemand ; — au pays de Vaud, on appelle les Allemagnes les cantons dans lesquels on ne parle pas français.