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ce moment un rossignol perché au-dessus de sa tête fit entendre un chant dont le sens était : « Celui qui se baigne dans le sang du dragon acquiert une peau aussi dure que l’écaille et insensible aux coups de la hache. » Sigefrid profita de la révélation, et le sang du monstre fut pour lui ce que l’eau du Styx avait été pour Achille.

Moins méchant que le dragon, mais très redoutable encore, le grillon, né de l’aigle et de la louve, participe à la fois du quadrupède et de l’oiseau ; il a le corps du lion, la tête, les ailes et les serres de l’aigle. Par sa force et son envergure, il rappelle le roc des conteurs arabes. Il enlève un chevalier armé de pied en cap, un bœuf ou un cheval, avec la même facilité que l’épervier enlève une alouette, et ses ailes ont un tel ressort que le vent qu’elles produisent en s’agitant suffit pour renverser un homme. Il aime la viande fraîche et surtout le mouton.

Le marticore de Ctésias, métamorphosé par Brunetto Latini en manicore, porte une tête d’homme couleur de sang, un œil jaune, une queue de scorpion, et il se nourrit toujours de chair humaine. — La salamandre, fille dégénérée du serpent Python, vit au milieu des flammes, et quand les empereurs de l’Inde vont à la guerre, ils font fabriquer avec sa peau des habits incombustibles, afin de pouvoir sans danger passer à travers l’incendie au milieu des villes prises d’assaut. — Le basilic que Pline avait déclaré le roi des serpens, porte en signe de souveraineté une couronne autour de la crête blanche qui surmonte sa tête. Le poison qu’il exhale envenime les arbres, fait tomber les oiseaux du haut des airs, et quand Alexandre, vainqueur de l’Inde, voulut se procurer un échantillon de cette dangereuse espèce, il fut obligé de faire fabriquer des cloches de verre pour abriter les chasseurs contre les exhalaisons du reptile. — Le phénix, revêtu d’une robe de pourpre surdorée, est toujours l’oiseau merveilleux dont parle Tacite. Il a des ailes de saphirs, de perles et d’émeraudes ; seulement il ne se nourrit plus de myrrhe et d’encens, mais de graines de frêne : il n’est plus l’emblème du soleil, mais le symbole de la résurrection, et pour saint Jérôme, il est devenu la consolante image de l’immortalité. — La caladre, qui sera comme le phénix l’emblème de la résurrection, est un oiseau blanc avec des cuisses noires. Quand on le porte devant un malade, il indique, sans jamais se tromper, s’il doit vivre ou mourir ; lorsqu’il le regarde en face, c’est un signe certain qu’il ne tardera pas à guérir ; mais s’il détourne la tête, la mort est infaillible.

La licorne, cet animal favori du blason, qui supporte avec le lion couronné l’écusson d’Angleterre, la licorne est, comme le phénix et le dragon, le sujet des plus bizarres légendes. Tantôt elle se montre avec le corps d’un cheval blanc, une tête couleur de pourpre et des