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blanches plissées, de la plus fine mousseline, des pantoufles brodées, et les jambes nues. Sous Aurengzèbe, les différences entre les musulmans de l’Hindoustan et ceux de l’autre côté de l’Indus était telles sous tous les rapports, qu"Aurengzèbe lui-même ne parle des Persans, autrefois le modèle par excellence aux yeux des Hindoustanis pour les mœurs, les usages et le savoir-vivre, que comme d’un peuple de barbares.

À ces races il faut ajouter les élémens secondaires fournis par l’Europe ou l’Asie à la population de l’Hindoustan dès le temps où Bâbar se préparait à enlever à la dynastie patane le sceptre de cet empire. Outre les mahométans, trois autres espèces de religionnaires avaient trouvé asile dans l’Inde du sud, et y avaient formé des établissemens dès les temps reculés : ce sont les guèbres, les Juifs, et les chrétiens connus sous le nom de chrétiens de saint Thomas, chrétiens syriaques ou souryanis. L’histoire de ces derniers remonte très certainement aux premiers siècles de notre ère, et offre des détails d’un haut intérêt ; ils ont vécu sur la cote de Coromandel et sur celle de Malabar, protégés en général par les princes hindous, persécutés quelquefois par les brahmanes, et plus tard par les Portugais, qui les considéraient comme schismatiques nestoriens et les traitaient comme tels, mais ignorés des premiers souverains mahométans de l’Inde. Les Juifs qui étaient venus chercher un refuge dans cette partie de l’Orient avaient obtenu, vers la fin du Ve siècle, l’autorisation du roi hindou de Kranganor (Malabar) de s’établir sous sa protection, eux, leurs femmes et leurs lévites, avec garantie de leur propre juridiction patriarcale et des privilèges pour leurs chefs. Ces chrétiens et ces Juifs formaient des colonies assez nombreuses[1]. Ils ont, à diverses époques, fourni de bons soldats aux armées indiennes, et encore aujourd’hui les Juifs envoient d’excellentes recrues à l’armée de la présidence de Bombay. Quant aux guèbres, connus depuis longtemps plus particulièrement sous le nom de parsis, poursuivis par le glaive des Arabes comme adorateurs du feu et sectateurs de Zerdhust (Zoroastre), ils avaient cherché leur salut, vers 641, en partie dans la Perse orientale, difficilement accessible, dans le Kermân et dans lierai, en partie dans Ormouz (Ormus, Harmozia), sur le golfe Persique ; mais la vengeance de Teimour, qui

  1. Leurs chartes d’établissement ; avec le détail des immunités et privilèges qui leur furent accordés, gravées sur l’airain (ou sur une composition métallique analogue) en diverses langues, ont été copiées et envoyées en Europe par Claude Buchanan, qui visita ces curieuses colonies en 1807, mais elles n’ont pas encore été, que nous sachions, déchiffrées. La plus ancienne de ces plaques métalliques offre en regard une écriture cunéiforme semblable à celle de Persépolis ou de Babylone, et une écriture indienne d’un caractère inconnu comme celui des autres planches.