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pied de l’Imaüs. Le mahométisme se propageait, par le glaive et par les efforts d’une prédication ardente, jusqu’au centre de l’Asie. La Transoxiane était occupée, à cette époque, par une partie des peuples que nous désignons en Europe sous le nom général de Tartares, et qui se composaient des trois grandes nations ou familles que nous avons déjà mentionnées : Tourks, Mongols et Tangous ; mais il est peut-être impossible de déterminer d’une manière précise à laquelle de ces races les Arabes eurent affaire en réalité. Aujourd’hui les Mantchous (ou Tangous) sont à l’est ; les Mongols ou Moghols au centre, les Tourks à l’Orient ; mais la position relative des deux derniers a varié dans les temps historiques, et nous ne pouvons dire ce qu’elle a été dans l’antiquité. Toutes ces nations se rapprochaient par la plupart de leurs caractères physiques, par leur amour de l’indépendance et de la vie nomade, par leurs institutions patriarcales, par le culte qu’elles professaient pour les grands pouvoirs de la nature, et leur adoration du soleil, des astres, du feu. Formées en grandes monarchies et cependant sans cesse en mouvement dans leurs immenses territoires, ces hordes nomades étaient partagées en tribus qui se disputaient la prééminence. Telle de ces tribus est campée aujourd’hui sur les bords du Volga, que l’histoire retrouve peu de temps après sous la grande muraille de Chine ; telle autre qui naguère occupait à peine une vallée dans les monts Altaï s’est accrue, dans quelques années, au point que la Tartarie tout entière est devenue trop petite pour elle ! Ce que l’on peut affirmer, c’est que les Ousbegs, qui possèdent de nos jours la Transoxiane, les Tourkomans des bords de l’Oxus et de l’Asie-Mineure, les tribus errantes du nord de la Perse et les Ottomans ou Turcs de Constantinople, sont tous d’origine tourke. Ce qui est non moins certain, c’est que la tribu dont Tchinghiz-Khan était le chef immédiat était moghole, ainsi que la majeure partie de son armée. Enfin l’armée d’invasion de Temiourleng (Tamerlan) se composait presque entièrement de Tourks. Il est très probable qu’à l’époque de l’invasion arabe, la masse de la population de la Transoxiane appartenait à cette dernière race.

Bien que convertis à l’islamisme, dont ils devinrent à leur tour les plus zélés propagateurs, ces peuples supportaient impatiemment le joug étranger : les révoltes y prirent un caractère d’obstination et de durée qui accéléra la chute de l’empire arabe. Moins d’un demi-siècle après la mort d’Hâroun-al-Rashid, le Khorasân et la Transoxiane avaient cessé, pour toujours, de reconnaître l’autorité du commandeur des croyans. Les Arabes ne figurent désormais dans ces contrées que comme des colons ou des aventuriers, et on ne les rencontre dans l’Inde gangétique ou dans le Dakkhan que comme navigateurs