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scythique, mais comme de toute antiquité les passes connues depuis Attock sur l’Indus et la vallée du Kachemyr jusqu’au cours inférieur du Brahmapouttra ont été fréquentées, ce n’est qu’à l’aide des plus amples et des plus minutieuses recherches que l’on pourra déterminer si les aborigènes de l’Inde doivent leur physionomie scythique aux Tangous, aux Mongols ou aux Tourks. On aura à se demander en outre à quelles époques, par quels points l’immigration a eu lieu. — Et ce que nous disons des Tamouliens, il faut le répéter à l’égard des races thibétaine et chinoise. À laquelle des trois grandes branches bien connues de l’arbre scythique faudra-t-il rapporter leur origine ? Quand on réfléchit qu’on compte au moins cent passes dans l’Himalaya et ses prolongemens depuis Guilguit (entre Kondouz et le petit Thibet) jusqu’à Tchittagong sur la baie du Bengale, et qu’il a dû s’écouler bien des siècles avant qu’aucune légende ou chronique put nous aider à former une conjecture sur l’époque des première passages ; quand on pense à la complication du mélange des races primaires, iranienne et touranienne, et de leurs dérivées dans l’Hindoustan, on comprend la variété et la difficulté des problèmes qui se présentent aux recherches ethnographiques, lorsqu’on prend pourpoint de départ ce massif gigantesque de l’Himalaya d’où rayonnent tant de peuples, et qui est peut-être le berceau de l’espèce humaine.

Les questions que soulève l’étude comparée des races primaires intéressent non pas seulement le philosophe et le moraliste, mais aussi et au plus haut degré l’homme d’état, car il en est d’un gouvernement qui se méprend sur le caractère des populations qu’il régit comme d’un père qui a mal jugé la constitution et les dispositions, les qualités et les défauts de ses enfans. L’auteur d’une curieuse étude sur les Aborigènes de l’Inde, Hodgson, cite un exemple frappant et tout récent du danger des théories gouvernementales, quand elles reposent sur des données inexactes. L’honorable M. Elliot, secrétaire-général du gouvernement suprême des Indes anglaises, parlant du perfectionnement des Hindous par la voie de l’éducation, maintenait formellement l’impossibilité d’en faire des hommes vigoureux et de bons citoyens, par suite, de l’infériorité relative de la race à laquelle ils appartiennent, et il est indubitablement prouvé que la race hindoue et celle à laquelle appartient M. Elliot lui-même sont une seule et même race. Ce n’est là cependant qu’un des faits capitaux acquis à la science ethnographique, et les résultats déjà obtenus par cette méthode d’investigation patiente et scrupuleuse qui s’appuie sur l’étude des langues, des monumens et des usages, et sur les caractères physiques, ont une tendance manifeste à changer les idées reçues sur plusieurs grandes questions historiques. Ainsi, pour le dire en passant, Bunsen, dans ses savantes recherches sur