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qui convenaient au bonheur de sa famille, à sa dignité, à son honneur et à la tranquillité de l’empire, il ne négligea rien pour le déterminer enfin à se confier sans réserve à l’indulgence et à la tendresse paternelles. Sélima-Soultana-Bégâm, qui avait adopté Sélim depuis la mort de sa mère, fut envoyée près de lui à Allahabâd, et cette mission conciliatrice fut couronnée d’un plein succès.

Reçu en grâce par son père, déclaré héritier du pouvoir suprême, Sélim trouva bientôt moyen d’éluder la promesse qu’il avait faite à l’empereur de marcher contre le râna de Méwâr et de le réduire à l’obéissance : il prétendit que les ressources mises à sa disposition pour cette expédition étaient insuffisantes, et demanda l’autorisation de retourner dans sa vice-royauté d’Allahabâd, d’où il s’engageait à entreprendre la campagne projetée à ses propres frais. Akbar y consentit de guerre lasse ; mais instruit, peu de temps après, que son fils était retombé dans ses désordres accoutumés, convaincu que sa présence seule pouvait ramener le prince au sentiment de ses devoirs, il résolut de se rendre en personne à Allahabâd. Il s’embarqua donc sur la Djâmna (1603), et rejoignit son équipage de camp, qu’il avait expédié en avant, à quelques marches d’Agra. Là, il reçut la nouvelle que sa mère, Mariam-Makany, était tombée dangereusement malade, et que l’on désespérait de sa vie. Il se hâta de revenir sur ses pas, mais la vénérable impératrice avait déjà perdu l’usage de la parole, quand l’empereur arriva pour demander sa bénédiction. Elle expira cinq jours après, dans sa soixante-dix-septième année.

Ce nouveau malheur ébranla la résignation d’Akbar aux décrets de la Providence. La mort du prince Danial, survenue à la fin de 1604 ou au commencement de 1605, acheva de briser cette grande âme, toujours avide d’affection. Celle qu’il avait vouée à Sélim malgré ses fautes était le seul point d’appui qui lui restât dans sa douleur. Sélim, à la nouvelle de la mort de sa grand’mère, avait hâté son retour à Agra, où il fut reçu par Akbar à bras ouverts, en présence de toute la cour ; mais une fois dans l’intérieur du palais, le souvenir des nombreuses offenses de Sélim l’emporta sur ce premier mouvement d’indulgence, et Sélim ne trouva plus dans Akbar qu’un père et un souverain justement irrités. L’empereur lui ordonna les arrêts les plus rigoureux, lui prescrivit de s’abstenir entièrement de boissons spiritueuses et d’opium, et mit son pardon à ce prix. Sélim obéit avec toutes les marques d’un repentir sincère, et, au bout de quelques jours, Akbar lui rendit la liberté, et le traita avec plus de tendresse que jamais. Cependant le coup était porté, la constitution de l’empereur ne put résister à ces chocs réitérés. Il ne fit que languir depuis cette époque, ne retrouvant qu’à de rares intervalles son énergie et son activité habituelles. Enfin, le 13 août 1605, Akbar fut