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Plusieurs autres chefs hindous[1] coopérèrent à l’agrandissement de l’empire et à l’établissement des institutions qui devaient en assurer la durée.

À dater de la soumission de l’Hindoustan central et de la conquête du Goudjrât (en 1552), l’empereur fut libre de porter son attention sur les états du sud-ouest qui refusaient encore de reconnaître son autorité, et il dirigea ses forces de ce côté. Une fois maître du Bengale, il s’occupa de consolider sa puissance dans le nord. La conquête de Kachemyr, celle du Sindh[2], la soumission complète de l’Afghanistan l’y retinrent jusqu’en 1598. Ce fut à cette époque qu’il commença à mettre à exécution le plan qu’il avait conçu pour ranger de gré ou de force sous sa dépendance les états du Dakkhan, dont le voisinage et la condition politique compromettaient la sûreté de ses frontières dans le sud. Les souverains mahométans de ces états ayant rejeté les ouvertures qu’il leur avait fait faire (dès 1590) pour les déterminer à reconnaître sa suzeraineté, il résolut de marcher contre eux en personne, et quittant le Pandjâb à la fin de l’année 1598, après quatorze ans de séjour dans les contrées du nord et du nord-ouest, il rassembla une grande armée près d’Agra et envahit le Dakkhan en 1599. En 1601, il avait achevé de soumettre ses dangereux voisins, et à son retour à Futtehpour, en 1602, il prit par proclamation le titre d’empereur du Dakkhan. Ce fut l’apogée de sa gloire politique et militaire.

Akbar régnait alors sur une étendue de pays bornée au nord par l’Himalaya et l’Hindou-Kosh, à l’est par le bas Himalaya et le Brahmapouttra, à l’ouest par les monts Soleyman et la mer, au sud enfin par le Godavéry et le golfe de Bengale. Les principaux diamètres de cet immense quadrilatère n’avaient pas moins de trois cent soixante-quinze lieues du nord au sud, et de cinq cents lieues de l’est à l’ouest. Aurengzèbe étendit la domination moghole sur une partie du Dakkhan qui avait maintenu son indépendance du temps d’Akbar, et sur quelques autres pays dans l’est de l’Hindoustan ; mais l’intolérance religieuse de ce souverain, son égoïsme, qui lui aliénait les cœurs, et le défaut d’élévation de son caractère, qui rétrécissait ses vues politiques, ne lui permirent pas, malgré ses

  1. Dans la liste des mansabdârs qui nous a été transmise par Abou’l-Kazl, nous ne comptons pas moins du dix-neuf seigneurs hindous élevés par Akbur à des mansabs de 1,000, 1,250, 1,500, 2,000, 2,500, 4,000 et 5,000 chevaux, sans compter les rangs inférieurs. Les princes du sang impérial avaient seuls des mansabs au-dessus de 5,000 chevaux. (Ayin-Akbary édit. citée, vol. Ier, p. 198 et suiv.)
  2. La mémoire d’Akbar est en grand honneur dans le Sindh, et Burnes nous apprend qu’en remontant l’Indus, les bateliers belouchis s’encourageaient à la manœuvre en chantant un chœur dont le refrain rappelait le nom et la gloire de ce conquérant. [Travels, etc., new édition. London 1839, vol. 1er, p. 46 et 47.)