de la chaire, malgré les menaces et les rigueurs du parlement, malgré les clameurs de la multitude scandalisée, une liberté de fait était à peu près acquise à ces transformations successives du libre examen, un des principes de la réforme. Si certaines convenances étaient gardées, si l’accent de la piété s’échappait de l’âme, l’étude des Écritures conduisait impunément des chrétiens à des interprétations que le catholicisme ou le calvinisme n’auraient pas tenues pour chrétiennes. En croyant revenir au texte, on s’écartait de la tradition. Sur la divinité du Messie, sur la justification, sur la prédestination, des doctrines latitudinaires étaient mises en avant par des hommes que la religion acceptait pour défenseurs. Leland lui-même les compte au nombre des meilleurs adversaires des déistes de son siècle. Burnet, Locke, Newton, Clarke, défendaient la foi en supprimant ou en atténuant ses mystères. Ainsi le dogme s’effaçait peu à peu des esprits, disparaissait peu à peu du langage. « Nous sommes par degrés tombés, dit Addison, dans cette mauvaise honte qui a en quelque sorte banni du milieu de nous l’apparence du christianisme dans l’usage de la vie et dans la conversation ordinaire (1712). » Et la hardiesse des opinions faisait de tels progrès, que Leibnitz écrivait à la princesse de Galles, en 1715, que même la religion naturelle s’affaiblissait en Angleterre.
Comment maintenant s’étonner qu’un catholique du continent jeté au milieu de cette société, ce catholique s’appelât-il Voltaire, imaginât à la première vue que la foi chrétienne y marchait à son terme, ou du moins se retirait des classes élevées par le rang ou par l’esprit ? Vainement se savait-il chez des protestans ; il entendait des prêtres, des évêques institués par l’état traiter d’erreurs superstitieuses quelques dogmes inséparables pour lui de la religion de l’Évangile. Il trouvait même chez les orthodoxes une liturgie simple, peu de cérémonies, plus de latin consacré, presque tous les sacremens supprimés, le culte de la Vierge, le culte des saints, et tous les miracles modernes proscrits comme des restes d’idolâtrie ; puis, en dehors de cette religion officielle, des symboles divers, des dissidences de toutes sortes, des sectes de toute nature qui prêchaient, écrivaient, disputaient. Enfin il tombait dans le monde politique où des hommes considérables et habiles réduisaient le culte à une institution publique, que les uns trouvaient nécessaire, les autres abusive, et près d’eux, quelquefois au-dessus d’eux, de beaux esprits, même des génies supérieurs, qui modifiaient le dogme par le raisonnement, et mettaient leurs pensées à la place des croyances. Devant un tel spectacle, on pouvait naturellement supposer que l’Angleterre s’en allait devenir une nation de philosophes, et surtout quand on avait bonne envie que la supposition fût vraie. « Point de religion en