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et celle du purgatoire. Les Arméniens se distinguent toutefois de l’église grecque en ce sens que leurs doctrines sur l’unité de nature en Jésus-Christ laissent beaucoup à désirer. Il existe à cet égard chez les Arméniens eux-mêmes une obscurité qu’il est difficile de pénétrer. Tout ce que l’on peut dire à leur justification, c’est qu’ils mettent, à repousser toute solidarité avec les doctrines d’Eutychès, la même ardeur que les Grecs à décliner toute parenté avec l’arianisme. Au fond et lorsqu’on pousse à bout les théologiens de la communion orientale, on est surpris de voir combien peu ils tiennent à l’opinion que la troisième personne de la Trinité ne procède pas également des deux autres. Les premiers conciles, qui n’avaient pas d’ailleurs à se prononcer catégoriquement sur cette difficulté non encore soulevée, se sont bornés à répéter en substance les paroles du Christ dans saint Jean : « Lorsque sera venu le consolateur, l’esprit de vérité qui procède du Père et que je vous enverrai de la part de mon père, il rendra témoignage de moi. » L’église d’Orient, partant de ce principe que « les paroles du Christ suffisent complètement à l’expression d’une vérité quelconque, » s’attache surtout à déclarer que la formule sortie de la bouche divine ne peut être modifiée. On dirait qu’en principe il ne s’agit point à ses yeux de savoir si l’Esprit ne procède que du Père. Elle ne parait préoccupée que de constater un fait incontesté dans l’église latine elle-même, c’est-à-dire que le Saint-Esprit procède du Père. Si l’on songe que la papauté a permis autrefois aux grecs-unis de la Pologne de réciter le symbole de Nicée sans l’addition du filioque, et que de son côté l’église d’Orient n’exige pas de rétractation officielle sur ce point de la part des catholiques qui entrent dans son sein, on voit que la distance qui sépare les deux églises est petite dans la question même qui a principalement servi de prétexte à leur scission.

Quant au purgatoire, la dissidence est peut-être encore moins marquée. L’idée du purgatoire est une des croyances les plus poétiques et les plus touchantes de l’église romaine. Cette église avoue que le mot de purgatoire n’existe ni dans l’Evangile ni chez les docteurs du christianisme primitif ; mais elle soutient que l’idée n’est pas moins ancienne que le christianisme lui-même et qu’elle se rencontre à chaque pas chez les premiers pères. Il suffit à l’église d’Orient de ne point trouver le mot aux origines du dogme : elle repousse l’existence de ce lieu d’épreuves où l’âme repentante, mais non justifiée, achève de se purifier avant d’entrer dans la plénitude du bonheur promis. Ici toutefois la pratique rectifie jusqu’à un certain point le dogme. Sans croire en effet au purgatoire, l’église d’Orient admet un état transitoire que traversent nécessairement les âmes, celles des bons comme celles des méchans, dans l’attente du