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I. – LE DOGME.

Dès les premiers siècles du christianisme, une grande lutte s’est engagée entre l’idée d’unité qui peu à peu se personnifia dans le pontifical romain et l’idée de nationalité qui perçait dans les patriarcats d’Orient pour s’incarner bientôt dans celui de Constantinople. Il semblait que le génie des deux civilisations latine et grecque fut aux prises sur le terrain religieux, — Rome avec son puissant instinct de centralisation, Constantinople au contraire avec cet esprit de fédéralisme qui est dans les traditions des Hellènes et qui a fait leur faiblesse aux jours mêmes de leur plus grande puissance. Après la chute de Rome, le génie latin a continué d’être le génie de la domination et de la discipline, comme le génie grec est resté le génie de la décentralisation et des libertés locales. Dans les contrées occidentales, surtout parmi les peuples qui avaient reçu la greffe latine, la suprématie religieuse de Rome s’est facilement établie ; longtemps elle a pu empiéter jusque sur les prérogatives les plus essentielles des souverainetés nationales. En Orient, tout ce que le pape a pu obtenir avant la scission s’est borné au titre de premier entre ses pairs, primus inter pares. Si l’unité des deux églises a quelque temps existé dans les dogmes, elle n’a jamais été acceptée par les Grecs dans la liturgie ni dans les rites. Enfin jusqu’au XVIe siècle, où le monde germanique tout entier, préoccupé de questions de discipline, se laissa, de polémique en polémique, entraîner dans le protestantisme, l’Occident n’avait guère eu, en religion, à déplorer d’autre épreuve redoutable que la grande hérésie de Pelage, bientôt vaincue. En Orient au contraire, on avait vu les hérésies et les sectes se multiplier à l’infini avec Manès, Arius, Nestorius, Eutychès et tant d’autres. Un moment la plus audacieuse de ces hérésies, l’arianisme, qui niait la divinité du Christ, avait envahi tout l’empire de Byzance. L’autorité de la parole ne suffit pas pour en avoir raison. Longtemps même les doctrines d’Arius résistèrent avec avantage à la force. Encore ne furent-elles point étouffées dans la défaite de l’arianisme proprement dit, et elles se renouvelèrent sous d’innombrables formes. Mais le résultat le plus éclatant de cet esprit d’indépendance qui se révélait par tant de symptômes, ce fut la grande séparation qui s’opéra en dernier lieu entre l’église de Constantinople et celle de Rome, et dont l’Orient prit l’initiative.

On le sait, les questions de dogme mises en avant par les Grecs dans les débats qu’ils eurent à soutenir contre le saint-siège peuvent en dernière analyse se réduire à deux, celle de la procession du Saint-Esprit