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l’inventaire de tous les ouvrages qui sont sortis des presses de ces illustres typographes. Cet inventaire, beaucoup plus exact et plus complet que tous ceux qui avaient été tentés jusqu’alors, reproduit en détail le titre de chaque livre, et ce titre n’est pas copié, comme il arrive souvent, sur d’autres catalogues, mais sur des exemplaires de chacune des éditions. L’auteur y a joint la description de tous les volumes, des notes historiques, critiques ou philologiques sur les éditions princeps, en un mot, tous les renseignemens qui peuvent éclairer l’histoire de la typographie des XVe et XVIe siècles dans ses rapports avec l’histoire des sciences et des lettres. Les Annales de l’imprimerie des Alde seraient restées, pour l’histoire littéraire et bibliographique du XVIe siècle, un ouvrage en quelque sorte incomplet, si elles n’avaient été accompagnées d’un travail analogue sur une autre famille de typographes non moins savans et non moins dévoués, la famille des Estiennes. M. Renouard a donc écrit l’histoire de ces imprimeurs célèbres, qui n’ont pas donné moins de seize cents éditions, parmi lesquelles figurent en très-grand nombre des ouvrages très-importans de l’antiquité grecque et latine. Ces deux publications, accueillies avec une faveur toujours croissante, ont constitué chez nous une spécialité tout à fait à part dans l’histoire littéraire, et, comme le Manuel du Libraire de M. Brunet, elles peuvent être justement regardées comme le modèle le plus parfait de la science bibliographique.

M. Renouard ne s’est point contenté d’éditer ou d’écrire de bons livres ; il en a formé pour lui-même une collection précieuse, qu’il n’a jamais cessé d’améliorer, et dont il a, pour la première fois, publié le catalogue en 1804. Depuis ce temps, il n’a jamais cessé d’augmenter et de perfectionner cette bibliothèque, dont la formation a été l’objet de sa constante sollicitude, et qui fait aujourd’hui le charme de sa vieillesse. Il vient tout récemment d’en publier ce qu’on pourrait appeler le catalogue définitif, et les éditeurs de ce catalogue ont pu dire avec raison que cette belle collection, fruit de soixante-dix ans de recherches, réunit aujourd’hui tout ce qui peut satisfaire un amateur délicat. Elle ne comprend pas moins de 3604 articles, parmi lesquels se trouvent des manuscrits et des autographes, des dessins originaux d’artistes célèbres, des raretés de toute espèce, des tirages uniques sur vélin, des exemplaires annotés par des hommes célèbres, en un mot une foule de ces richesses qui font d’une bibliothèque un véritable musée. Il suffit pour exemple de citer le manuscrit n° 50, désigné sous le titre Preces piae cum calendario. Ce précieux volume, du aux mains habiles qui ont illustré d’arabesques et de dessins les Heures d’Anne de Bretagne, est sans contredit l’une des œuvres les plus parfaites et les plus magnifiques même que nous ait léguées l’art de l’enlumineur et du miniaturiste, et cette œuvre peut rivaliser sous tous les rapports avec ce que nos grandes bibliothèques possèdent de plus précieux. Tous les amis des lettres et des arts sauront gré à M. Renouard d’avoir su, au milieu d’une vie si bien remplie, créer et conserver une telle collection, et surtout de l’avoir fait connaître au public.

CH. LOUANDRE.


V. DE MARS.