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il rencontrait sur la côte occidentale un excellent mouillage, dans le voisinage d’un pays boisé et riche en gibier de toutes sortes. Cet Éden privilégié des terres boréales retint plusieurs jours l’équipage, et l’on ne parvint que le 21 septembre à la baie de Mercy, au nord de l’île. Là, le navire fut de nouveau pris par les glaces ; il l’est peut-être encore, et ce ne fut que le 16 avril dernier que le capitaine Mac-Clure, après un séjour de dix-huit mois et vingt-cinq jours dans ce lieu de plaisance, partit en traîneau à la recherche de camarades et de nouvelles venus de l’est. Il traversa sur la mer glacée le détroit de Banks, et, avec l’aide de la Providence, arriva le 1er mai au quartier d’hiver du Résolute et de l’Intrepid. Il n’y a pas de langue qui puisse exprimer les sentimens de joie, de fierté et de reconnaissance pour la protection divine qui durent inonder l’âme des braves marins de l’Investigator, quand ils aperçurent la mâture des deux navires. Une autre joie leur était réservée. Tandis qu’ils s’applaudissaient d’une si heureuse rencontre, une partie de l’équipage du Phénix, envoyé d’Angleterre pour ravitailler le Resolute et l’Intrepid, arrivait en traîneau du cap Beechy, situé à une centaine de lieues à l’est, où les glaces avaient retenu le navire. Bientôt après, le capitaine Mac-Clure revenait à la baie de Mercy chercher les malades de l’Investigator, et atteignait avec eux le Phénix. Ce navire repartait le 2 juin pour l’Angleterre, où il est heureusement arrivé. C’est près de sa relâche, dans le détroit de Wellington, qu’a péri notre brave compatriote, le lieutenant Bellot.

Cette découverte fait le plus grand honneur à la courageuse obstination des marins anglais. Il ne faut pas se hâter de dire qu’elle ne profitera qu’à la science, et que les résultats utiles n’en seront jamais en rapport avec les peines qu’elle a coûtées ni avec la gloire qui doit en revenir à ceux qui l’ont accomplie. À ne considérer que l’électricité, combien ne voyons-nous pas aujourd’hui de recherches purement théoriques passer à l’état de faits pratiques, dont, quelques-uns opèrent de véritables révolutions dans les relations du monde civilisé ? Pourquoi n’en serait-il pas ainsi des découvertes de la géographie, et qui sait si, d’autres sciences aidant, ces régions, où semblent expirer la vie et la végétation, ne deviendront pas praticables ? L’avare industrie de l’homme leur arrachera peut-être quelque jour, en perçant leur croûte de glace, des richesses minérales qui compenseront celles que leur refusent les autres règnes de la nature, et déjà, dit-on, les échantillons arrachés par les officiers anglais aux roches qu’ils ont accostées attirent l’attention des spéculateurs d’outre-Manche.

Il n’est pas dit d’ailleurs que le passage de l’Investigator soit le seul qu’on puisse trouver, et des indices très nombreux permettent d’espérer qu’il existe encore un passage sous le 70e degré, c’est-à-dire par la latitude du Cap-Nord. Celui-ci serait moins difficile à découvrir et surtout moins impraticable que l’autre. C’est peut-être pour cela qu’on l’a négligé : les solutions simples et sûres sont rarement les premières auxquelles on s’attache, et surtout les premières qui se présentent.

J.-J. BAUDE.


RECEUIL DES ACTES DIPLOMATIQUES DE L’EMPEREUR FREDERIC II ET DE SES FILS[1]. Le XIIIe siècle est une époque décisive et solennelle dans l’histoire

  1. 6 vol. in-4o, chez Franck, à Paris.