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à la triste nouvelle astronomique que je révèle ici ; mais cependant, si les lois de l’attraction sont réelles, si ces lois qui dirigent la lune autour de la terre, les planètes et les comètes autour du soleil, les étoiles doubles elles-mêmes aux confins du ciel étoile à des distances qui confondent l’imagination, sont vraies, pourquoi la comète de 1550 ne reparaît-elle pas ? Le voici :

À côté de l’influence prépondérante du soleil se place l’action bien plus faible, mais cependant sensible, des planètes, comme Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, qui fausse un peu la régularité de la marche des comètes autour du soleil. Il restait donc, pour savoir à quoi s’en tenir sur le compte de la comète de trois cents ans, il restait, dis-je, à faire pour cette comète ce que Clairaut, Lalande et Mme Lepaute avaient fait pour la comète de Halley à son retour de 1769. Mais qui oserait tenter une entreprise si gigantesque pour une orbite parcourue en trois cents ans, tandis que pour soixante-dix-sept ans la difficulté des calculs était presque inabordable ? M. Hind nous apprend qu’un astronome de Middelbourg, en Zélande, M. Bomme, animé par une de ces passions froides qu’on dit être encore plus énergiques que les passions ardentes, a entrepris et accompli ce travail herculéen avec une immense dépense de temps et de labeur. Le résultat a bien payé sa persévérance : il a trouvé que le retour de la grande comète du milieu de ce siècle serait retardé de dix ans, et qu’avec une incertitude seulement de deux ans, nous aurions la comète en 1858. L’incertitude provient des observations peu exactes de Fabricius, astronome de Charles-Quint, et sans doute plus actif à tirer des pronostics de la comète qu’à en fixer bien exactement la marche. Or, quand une fois ce bel astre aura été conquis, on ne le perdra plus, et tous les trois cents ans on recevra infailliblement sa visite. Attendons-le donc patiemment et sûrement de 1856 à 1860. Les faiseurs de revues théâtrales, qui spéculent sur tout ce qui attire l’attention de la société, peuvent, dès aujourd’hui, tailler leur plume et se préparer pour la comète de Charles-Quint. À ce propos, je dirai combien je fus frappé, en 1835, de la pauvreté d’imagination de ceux qui mirent sur le théâtre la comète de Halley, qui nous fait à peu près quatre visites en trois siècles. Quoi ! pas une allusion aux nations qui précédemment avaient vu la comète, et que la comète avait elle-même frappées de ses rayons ! Pas un souvenir du siècle de Louis XV, du siècle de Mahomet II, du siècle de Guillaume le Conquérant, du siècle de Charlemagne ! Je disais hautement alors : si les savans ont le droit de n’avoir point d’imagination, ces auteurs dramatiques-là empiètent sur les droits de la science.

Sortons des moyens artistiques de second ordre, et voyons ce que trouvera la comète de Halley à son prochain retour sur la terre, en 1911. Sans doute, dans notre Europe, tout marchera sous les lois de la sagesse, de la raison et de la science ; mais ce qui est bien plus certain, c’est qu’en Amérique, à cette époque, une ville de plusieurs millions d’âmes, comme autrefois Rome, Alexandrie ou Constantinople, ou comme aujourd’hui Londres, vérifiant les prévisions de M. Ampère fils, occupera l’isthme de Panama. Les États-Unis compteront cent vingt-cinq millions de citoyens, et au retour subséquent de la comète de Halley, vers 1988, ils en compteront comme l’Europe, qu’ils surpassent en étendue, en fertilité et en activité laborieuse, deux cent cinquante millions. Un astronome du milieu du XVIe siècle s’excusait