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REVUE. — CHRONIQUE.

Combien y a-t-il de comètes dans le ciel ? Autant que de poissons dans l’Océan, répondait Kepler. Ceux qui ne sont pas initiés au progrès des sciences ne se font guère l’idée du nombre de comètes qu’aujourd’hui, en plein XIXe siècle, on découvre dans le ciel. La présente année 1853, si rebelle aux travaux astronomiques, nous en a déjà donné quatre. L’année 1846 en a fourni huit. Tandis que les astronomes du siècle dernier en avaient observé soixante-quatre, les modernes, depuis 1801 jusqu’à 1851, c’est-à-dire dans la première moitié du XIXe siècle, en ont déjà catalogué quatre-vingts. Il y a à peu près en tout six cents comètes bien observées à partir du commencement de notre ère. Depuis quelques années, on en découvre en moyenne trois ou quatre par an. On voit donc que si l’on rattachait comme autrefois les événemens politiques et naturels à ces astres, ce seraient aujourd’hui les événemens qui manqueraient aux comètes, tandis que c’était le contraire dans le moyen âge. Les astronomes, ou plutôt les astrologues, parmi lesquels je regrette sincèrement de trouver Kepler, en étaient réduits à dire que les comètes ne faisaient souvent que déposer le germe des événemens qui se produisaient ensuite.

Jusqu’au commencement de ce siècle, la seule comète de Halley était reconnue périodique et avait été revue deux fois. Trois autres comètes semblables sont venues enrichir notre système solaire de trois nouveaux astres soumis au domaine de notre soleil comme les planètes : ce sont les comètes qui portent les noms de Encke, de Biéla et de notre compatriote et confrère M. Faye. Ces trois comètes sont les seules qui aient été revues deux fois. La dernière a même offert, suivant M. Hind, cette curieuse particularité, qu’elle est revenue au périhélie à l’heure même indiquée par les calculs de M. Le Verrier. Neuf ou dix autres comètes sont attendues à leur second retour, pour établir ou pour infirmer la théorie de leurs mouvemens autour du soleil : mais que dirai-je de la grande comète du XIXe siècle, attendue en 1848, et qui, à l’heure qu’il est, n’a pas encore reparu ?

En 1556, une grande et belle comète apparaît. Charles-Quint, qui temporisait pour son abdication, n’hésite plus : c’est à lui seul que la comète s’adresse, comme au plus illustre de tous les souverains d’alors. Il espère que l’influence qui le menace comme tête couronnée n’aura plus de prise sur un homme privé, sur un moine. Il se hâte de se rendre en Espagne, au monastère où il doit encore vivre près de deux ans. Tout ceci n’a rien d’étonnant : c’est l’esprit, ce sont les croyances du siècle ; mais au milieu du siècle dernier, on calcule cette comète de Charles-Quint, et on la trouve analogue à d’autres comètes qui, à trois cents ans de distance, se sont montrées dans le ciel. Toutes sont très brillantes, pourvues de traînées lumineuses ou queues immenses ; l’aspect physique et la marche sont les mêmes. On calcule donc le retour de cette grande comète pour 1848. Point de contradicteurs ; ce retour est inscrit dans tous les livres d’exposition scientifique. Plusieurs astronomes, un peu avant 1848 et depuis, cherchent inutilement cette précieuse comète de trois cents ans de révolution et qui serait une si belle acquisition pour notre système solaire ; mais déjà 1848, 1849, 1850, 1851, 1852 et presque tout 1853 se sont écoulés, et nous n’avons point de nouvelles de l’astre tant attendu, tant espéré. Sans doute personne ne perdra l’appétit et le sommeil