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REVUE. — CHRONIQUE.

direction de ce grand maître, pour lequel il avait conservé une admiration profonde. En 1821, il fut nommé professeur de piano au Conservatoire, fonctions qu’il n’a cessé de remplir jusqu’en 1848. Il demanda alors à se retirer, et fut nommé par le ministre de l’intérieur inspecteur des classes de piano. Excellent musicien et harmoniste distingué, Zimmermann avait concouru en 1821 pour une place de professeur de fugue et de contre-point qu’il remporta sur ses nombreux adversaires, parmi lesquels se trouvait M. Fétis ; mais, obligé de choisir entre ces nouvelles fonctions et celles de professeur de piano que les règlemens du Conservatoire déclarent incompatibles, Zimmermann, qui avait besoin de se créer une fortune, se résigna à l’enseignement du piano avec une ardeur qui ne s’est jamais ralentie. C’était un homme excellent, spirituel, éclairé, qui accueillait les artistes avec une extrême bienveillance, et dont la maison fut, pendant un temps, le rendez-vous de toutes les illustrations musicales. Zimmermann était enthousiaste des œuvres du génie, et des talens de premier ordre. Il a formé un grand nombre d’élèves devenus célèbres, et parmi lesquels nous citerons surtout Alkan aîné, le meilleur professeur de piano qu’il y ait actuellement à Paris.

Quelle conclusion tirer de celle revue rapide du monde musical et des théâtres lyriques à la fin de 1853 ? Nous la formulerons en deux mots : c’est que nous sommes arrivés à l’une de ces crises intellectuelles et morales où les grands talens sont aussi rares que les grands caractères. Nous vivons encore un peu du patrimoine de nos pères en attendant que Dieu suscite un de ces hommes prédestinés qui font dire à la foule étonnée : Fiat lux et voluntas tua !

P. SCUDO.

LES COMÈTES DU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

Les pages que l’on va lire, écrites pour une des dernières séances publiques de l’Institut, se rattachent à une série de travaux où l’auteur aura occasion de revenir sur l’ensemble des questions relatives aux comètes. Quant à certaines influences mystérieuses dont il est dit un mot à propos des influences attribuées aux comètes, il y aurait encore là le sujet d’une étude spéciale qui l’occupera peut-être ici quelque jour.

Depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’aux travaux de Newton, en 1680, les comètes ont été considérées comme des présages de malheurs publics. Leur aspect si différent de celui des autres corps célestes, leur marche bizarre au travers du ciel et dans des régions inaccessibles aux planètes, leur courte apparition, tout concourait à les faire regarder comme des prodiges. « Tel, dit Homère, on voit briller un de ces astres que Jupiter aux pensées profondes envoie en présage soit aux expéditions maritimes, soit aux grandes armées de terre. L’astre est éclatant, et on en voit jaillir des traînées d’étincelles. » Virgile et tous les poètes latins, jusqu’à Claudien, qui a paraphrasé les vers d’Homère, se sont épuisés en épithètes funestes, et jusqu’au XVIIe siècle les comètes furent pour le genre humain le triste pronostic des maux dont la colère céleste menaçait l’humanité. Seul ou presque seul, le philosophe Sénèque opposa sa puissante logique aux idées superstitieuses de ses contemporains et de ceux qui avaient vécu dans les siècles antérieurs. Les comètes,