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Si des théâtres notre attention se porte sur une autre région du monde musical, nous n’aurons guère à constater que des pertes douloureuses. La mort vient d’enlever tout récemment un compositeur distingué, Onslow, dont le nom est plus connu des artistes que du public. Né à Clermont, dans le Puy-de-Dôme, le 27 juillet 1784, d’un père qui était le fils cadet d’un lord anglais et d’une mère, assure-t-on, qui descendait de Brantôme, George Onslow étudia la musique dès son enfance, comme un art d’agrément qui sied à l’éducation d’un fils de famille. Ce n’est que très tard, à l’âge de vingt-deux ans, après avoir résisté à la séduction des plus grands chefs-d’œuvre, qu’Onslow éprouva le désir de s’essayer lui-même, dans l’art de la composition. Il débuta par un quintette pour instrumens à cordes, sans autre préparation que la volonté d’imiter Mozart, dont il admirait par-dessus tout le génie, il continua ainsi, pendant trente ans d’une vie pleine de loisirs, à produire un nombre assez considérable de quintetti, de quatuors et d’autres morceaux de musique instrumentale qui se répandirent d’abord en Allemagne et lui acquirent une renommée qui ne tarda point à pénétrer en France. En 1824, il fit représenter au théâtre Feydeau un opéra en trois actes, l’Alcade de la Vega, qui n’eut qu’un succès d’estime ; en 1827, il donna le Colporteur, qui ne fut guère plus heureux, et en 1837, le Duc de Guise, qui ne reçut pas un accueil plus favorable. Onslow fut élu membre de l’Institut en 1842, où il succéda à Chérubini. On a osé rapprocher le nom d’Onslow de celui de Beethoven ; de telles exagérations ne sont permises qu’à ceux qui ignorent aussi bien la langue dans laquelle ils s’expriment que le mérite de deux hommes qui sont l’un à l’autre ce que Shakspeare est à Casimir Delavigne. Onslow était un compositeur distingué qui avait l’instinct et le goût de la musique instrumentale, et dont les quintetti et les quatuors, qui forment la partie intéressante de son œuvre, se font remarquer par une bonne économie des effets, par la clarté des idées principales, le choix des modulations et l’heureux enchaînement des épisodes, il n’avait ni le génie de l’invention, ni la science qui caractérise un vrai maître. La mort d’Onslow laissait une place vacante à l’Institut pour laquelle se sont présentés un grand nombre de candidats. Puisqu’il s’agissait de remplacer un compositeur qui a cultivé avec succès la musique instrumentale, genre très peu populaire en France, M. Reber, qui vient de fixer les suffrages de l’Institut, est peut-être le choix le plus convenable qu’ait pu faire l’Académie des Beaux-Arts. Il y a plus d’une analogie entre le talent d’Onslow et celui de M. Reber, que l’opéra du Père Gaillard, trois ou quatre symphonies, des ouvertures remarquables et un grand nombre de morceaux de musique de chambre recommandent suffisamment à l’attention des hommes sérieux.

La mort vient d’enlever aussi presque subitement l’un des artistes les plus généralement estimés qu’ait produits le conservatoire de Paris. Né à Paris le 17 mars 1785, Zimmermann fut destiné dès le berceau à la carrière qu’il a parcourue avec autant de persévérance que de succès. Fils d’un facteur de pianos, il entra au Conservatoire en 1798 et fut admis dans la classe de Boïeldieu. L’année suivante, il remporta le premier prix de piano contre son concurrent Kalbrenner, et en 1802 il eut le premier prix d’harmonie. Devenu élève de Chérubini, Zimmermann acheva son éducation musicale sous la