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premier acte nous avons remarqué un joli point d’orgue confié à la voix agile, mais déjà fatiguée de Mme Miolan ; au second acte, le solo de violon vocalisé par M. Bussine, et puis le finale, qui est arrangé avec habileté et dont la stretta est chaleureuse ; enfin l’air gallois du troisième acte, qui doit faire le bonheur de M. Vincent, de l’Institut. Le Nabab nous parait être un opéra conçu dans un nouveau style que nous qualifierons volontiers de genre anecdotique, où il n’y a pas besoin d’avoir des idées, mais seulement un peu d’adresse à trousser une phrase et à présenter avec agrément une succession de points d’orgue ingénieux.

Colette, opéra en trois actes, de M. Planard, musique de M. Juslin Cadaux, a succédé au Nabab et ne lui fera pas longtemps concurrence ; c’est encore une anecdote tirée de la vie de Sedaine, délayée en trois actes, mais avec infiniment trop de sensibilité. Il s’agit d’une jeune fille qui se dévoue, et dont l’action généreuse mériterait certainement le prix de vertu de l’Académie française. M. Justin Cadaux, qui s’est déjà fait connaître par deux petits actes, les Deux Gentilshommes et les Deux Jakets, dont la musique facile a été remarquée un instant, n’était pas de force à supporter le fardeau d’un ouvrage de trop longue haleine, car tel suffit au second rang qui s’éclipse au premier. Sa partition de Colette est faiblement écrite, mais on y trouve des mélodies agréables et naturelles. Il est grand temps que le nouvel opéra de Meyerbeer, l’Étoile du Nord, qu’on répète avec activité, vienne nous délivrer de tous ces tâtonnemens insignifians.

Parlons un peu du troisième théâtre lyrique, devenu le Théâtre-Impérial, où l’enthousiasme est monté à un tel diapason, qu’on peut craindre qu’il ne devienne dangereux à la santé publique. On sait que ce théâtre a été créé tout exprès pour faciliter les débuts d’un jeune compositeur plein d’avenir, de M. Adolphe Adam, membre de l’Institut et auteur du Postillon de Lonjumeau ! Aussi l’infatigable et spirituel compositeur ne suffit-il pas à la besogne, et à peine a-t-il uns au monde un opéra en trois actes comme Si j’étais roi et le Roi des Halles, que vite il en conçoit un autre qu’il enfante avec aussi peu de douleurs. Sans doute ces nombreux enfans ne s’en portent pas mieux, mais ils vivent ce qu’ils peuvent, et la Providence fait le reste. Le dernier enfant de M. Adam se nomme le Bijou perdu ; en voici la très courte histoire. Il y avait autrefois au XVIIIe siècle, cela va sans dire, un fermier-général nommé Coquillière, dont la femme avait un amant, ce qui était conforme aux meilleurs usages. Une montre, donnée par le fermier-général à sa femme et que celle-ci laisse emporter par le marquis d’Angennes, forme le nœud de l’intrigue. Cette montre, remise par le marquis au commissionnaire Pacôme, qu’il trouve sur son chemin et dont il a hâte de se débarrasser, excite la jalousie de Mlle Toinette, fleuriste de son métier et fiancée de Pacôme ; cela donne lieu aux plus étranges quiproquos et aux scènes les plus invraisemblables qui se dénouent, à la satisfaction générale, par le mariage de Pacôme avec Toinette, qui a failli, sur ces entrefaites, devenir première cantatrice de l’opéra. Sur ce thème fécond en allusions grivoises. M. Adam a composé une ronde en trois actes avec accompagnement de toute sorte d’instrumens, et surtout de petite flûte. Vous dire la joie et le bonheur de ce bon public du boulevard du Temple en écoulant cette musique guillerette,