Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/792

Cette page a été validée par deux contributeurs.

souterraines ; des caves immenses, d’élégans escaliers en spirales avec des rampes en acajou et des barreaux en cuivre, de grands appartemens décorés avec autant de goût que de magnificence, une salle de billard avec des tribunes disposées pour les spectateurs, un vaste salon complètement rond, éclairé par une seule et immense fenêtre et par une coupole à trente pieds d’élévation avec un parquet en mosaïque composé des bois les plus précieux, de beaux tableaux de Robert et de Vernet remplaçant les tapisseries et encadrés dans les panneaux, des cheminées en marbre de Carare soutenues par des cariatides que Beaumarchais avait fait venir à grands frais d’Italie, des portes en acajou dont le centre était en glaces. Dans le cabinet de l’auteur du Mariage de Figaro se trouvait un secrétaire qui à lui seul n’avait pas coûté moins de trente mille francs ; il était tout entier en marqueterie figurant de délicieux paysages.

Le jardin avec ses terrasses, qui avaient permis de grands mouvemens de terrains, était dessiné et planté de manière à dissimuler l’espace limité qu’il occupait, et il paraissait beaucoup plus vaste qu’il ne l’était en effet ; une grande allée à voitures le traversait tout entier pour aboutir à l’extrémité de la propriété. Des pelouses, des massifs, des masses de fleurs, les arbres les plus rares, de jolies fabriques disposées avec art de distance en distance, une pièce d’eau entourée d’ombrages, sur laquelle voguaient des nacelles, et qui était alimentée par une cascade tombant d’un rocher, partout des inventions plus ou moins singulières attiraient les regards des promeneurs. Par exemple, au milieu du jardin s’élevait un temple à Bacchus avec une petite colonnade à la grecque ; comme ce temple était destiné aux collations, on lisait sur le fronton cette inscription en latin macaronique :

Erexi templum à Bacchus
Amicis que gourmandibus.

Ce temple était élevé sur un autre rocher, dont l’entrée sombre et mystérieuse cachait une officine gastronomique. Non loin se rencontrait un pont chinois avec ses clochettes obligées ; à côté s’ouvrait un souterrain qui allait aboutir à l’extrémité du jardin en passant sous la pièce d’eau, véritable tunnel en pierre de taille, dans lequel on avait pratiqué une glacière, et qui se terminait par une arcade grillée donnant sur la rue Amelot. Au-dessus de l’arcade on lisait cette inscription :

Ce petit jardin fut planté
L’an premier de la liberté.

Dans les bosquets, on trouvait à chaque pas des traces du caractère expansif de Beaumarchais. Ici c’était un buste de son premier patron, Pâris-Duverney, avec ces vers :