Chœur Vive à jamais, vive Tarare, |
Il y avait d’autres modifications qui excitèrent des réclamations assez vives parmi les journaux du parti conventionnel. Par exemple, au moment où le peuple se soulève contre le tyran d’Ormuz, un citoyen chantait :
Sur le tyran portons notre vengeance,
Du long abus de la puissance
Tout le peuple à la fin est las.
Or Paris était à ce moment très dégoûté d’un pouvoir déjà vieilli, qui, après beaucoup de lâchetés et de crimes, de tyrannies subies ou imposées, ne se résignait qu’avec peine à céder la place à un pouvoir nouveau. « Les applaudissemens, écrit Mme de Beaumarchais, ont été prodigués aux changemens de la fin ; mais ce n’est pas tout à fait dans ce sens que nous les voulions, car tout ce qui est dit au tyran d’Ormuz a été appliqué net à la convention. On a joué trois fois la pièce, et il y a une affluence prodigieuse. »
L’archéologue Millin, qui rédigeait alors le Journal encyclopédique, fit dans ce journal une sortie contre les applaudissemens anti-conventionnels qui avaient accueilli quelques-uns des vers que Framery avait ajoutés à Tarare. S’en expliquant avec ce dernier, il lui écrit :
« Je ne demande pas que les théâtres deviennent des cours de démagogie, mais je ne verrai jamais sans éprouver une juste indignation qu’on s’élève si légèrement et si facilement dans les spectacles contre la constitution qui nous coûte tant de sacrifices, et pour laquelle des milliers de nos concitoyens vont verser tout leur sang. Vous ne pouvez pas me faire un crime de penser que le retranchement de quelques vers peu saillans ne soit très peu important, et qu’il le soit beaucoup de ne pas exposer des principes coupables qui excitent des applaudissemens plus coupables encore[1]. »
Cette troisième reprise de Tarare en septembre 1795 fut suivie d’une quatrième, qui eut lieu en novembre 1802, sous le consulat, après la mort de Beaumarchais : Tarare dut subir encore des modifications dont je n’ai pas retrouvé la trace. Enfin sous la restauration, en 1819, cet opéra reparut une cinquième fois sur l’horizon, mais considérablement mutilé, fondu de cinq actes en trois et rhabillé au goût du jour par je ne sais qui. Après avoir été monarchique purement et simplement, puis monarchique constitutionnel, puis
- ↑ Ceci se passait en septembre 1795, au moment de la promulgation de la constitution de l’an III, avec les décrets qui imposaient au peuple la réélection forcée des deux tiers des membres de la convention. On sait que ce sont ces décrets qui un mois après produisirent la journée du 13 vendémiaire.