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déception, car la forme du gouvernement absolu était ainsi rétablie dans le Slesvig, comme si le Danemark n’avait pas rejeté l’absolutisme ; l’on instituait officiellement de la sorte entre les deux duchés une conformité d’institutions, — bien plus, une communauté de rapports qui allaient mettre sans cesse en présence l’esprit allemand, envahissant de sa nature, et l’esprit danois du Slesvig, affaibli par l’isolement et mutilé. Était-ce pour montrer aux Danois combien était chimérique le fantôme d’un Slesvig-Holstein ? Ne prévoyait-on pas facilement qu’à l’invasion armée, repoussée énergiquement par les armes, succéderait, grâce à l’impuissance d’une administration isolée et d’institutions sans vigueur, l’envahissement plus redoutable, parce qu’il serait silencieux et caché, des mœurs et de l’influence allemandes ? Enfin que devenait dans cette combinaison le rôle de la diète danoise, ne représentant qu’un tiers du royaume, en présence d’un cabinet dont une partie était responsable envers elle pour ce tiers du royaume seulement, tandis qu’une autre partie restait complètement irresponsable ? On conçoit que les chambres danoises ne se résignèrent qu’avec peine à accepter cette déclaration, conforme aux vœux de la Prusse et de l’Allemagne, Elles songèrent du moins qu’il y avait à tant de périls une issue : la constitution commune, dont la prompte exécution était promise par le gouvernement. Il fallait donc attendre patiemment que l’œuvre en fût élaborée. Sans doute il semblait plus naturel et plus facile, comme le parti de l’Eider le souhaitait, d’étendre la constitution au Slesvig, et de laisser au Lauenbourg et au Holstein leurs anciennes institutions, mieux en rapport avec les institutions de l’Allemagne. Pourtant, puisque le gouvernement avait cru pouvoir s’engager à donner à toutes les parties du royaume une constitution commune, il parut qu’on devait, une fois l’accord ainsi conclu avec les grandes puissances, soutenir ses efforts, afin de faire participée les duchés allemands eux-mêmes à la constitution libérale du Danemark : mais ce dernier point contenait précisément la grande difficulté ; Quoi ! l’Autriche et la Prusse permettraient, susciteraient même en l’an de grâce 1853 un progrès aussi libéral que l’extension des institutions de 1849 au Holstein, duché allemand ? Cela n’était pas vraisemblable, cela était impossible. Et cependant personne dans les chambres danoises n’admettait l’idée que le ministère voulût, pour la rendre acceptable, modifier la constitution dans un sens anti-libéral. Quel moyen restait-il donc d’organiser pour tous les états soumis à la royauté danoise une constitution commune ?

Pendant que les chambres et le pays étaient tout entiers à ces tristes réflexions, craignant la durée, craignant l’issue d’un statu quo dont les conditions étaient si funestes, le ministère de son côté semblait