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une redevance fixe annuelle, hypothéquée sur le gaard même. Ils devinrent même propriétaires proprement dits (eiere ou selveiere), c’est-à-dire maîtres de vendre la propriété et de la grever d’hypothèques. La même transformation s’opérait sur les terres royales et sur celles qui appartenaient à des fondations publiques, comme les hôpitaux, les écoles et l’université. Les pâturages et terres vagues furent vendus par petites portions à des prix meilleurs que les prix d’achat ; cette vente fournit à leurs pauvres possesseurs les moyens d’acheter des terres plus productives, qui furent d’ailleurs mieux cultivées, la liberté profitant, comme l’influence d’un air plus pur, à la terre aussi bien qu’au paysan. Le progrès fut si rapide, que vers 1810 le Jutland septentrional et une grande partie du Slesvig étaient presque entièrement couverts de propriétés acquises par des paysans.

Avec l’accomplissement de la réforme territoriale finit la période brillante et pacifique de l’histoire du Danemark ; nous arrivons ensuite aux agitations, aux crises intérieures que la société danoise eut à traverser depuis les premières années du XIXe siècle. Le parti féodal ne va rien négliger pour annuler les résultats qui avaient illustré les premières années de l’administration de Frédéric VI ; la diplomatie européenne, de son côté, viendra prêter son appui à des prétentions qui menacent le Danemark à la fois dans le développement de sa liberté intérieure et dans le maintien de son indépendance au dehors.


II

Le contrecoup des grandes guerres continentales et celui de la révolution de 1830 inaugurèrent par des complications sérieuses la nouvelle période de l’histoire du Danemark. Allié fidèle de la France, il se vit, comme on sait, gravement maltraité par l’Angleterre en 1801 et 1807, et il fut à deux doigts de sa perte. Il poursuivit néanmoins jusqu’en 1814 une lutte désintéressée pendant laquelle les paysans danois prouvèrent par leur patriotisme dévoué qu’ils étaient reconnaissans et par conséquent qu’ils étaient dignes des nouvelles institutions. Toutefois, les désastres d’une guerre si acharnée empêchant que la royauté pût donner suite à l’accomplissement de ses projets, on ne tarda pas à perdre même les bienfaits acquis. En 1807, les lois destinées à encourager la vente des domaines furent abolies, et en 1816 disparurent les banques instituées pour faciliter aux paysans les emprunts nécessaires. À la même époque, le roi déclara dissoute la grande commission de réforme instituée le 25 août 1786. Cette commission pouvait se rendre ce témoignage, qu’elle avait dignement accompli sa tâche. Elle avait attaqué le servage, elle l’avait presque