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en soient éliminées. Le terme de la guérison est que définitivement tout le poison soit chassé par un travail inverse de celui qui l’avait introduit au sein de l’économie.

Ainsi, pour considérer l’empoisonnement en sa totalité, il faut y voir d’abord une introduction produite par la force absorbante des tissus, puis une élimination produite par la force décomposante de ces mêmes tissus. Il suffit de présenter ces deux faits, qui sont connexes, pour écarter toutes les idées qui ont si longtemps régné sur la finalité des opérations exécutées dans le corps vivant. Personne ne peut s’y méprendre : c’est une force manifestement aveugle, ou, en d’autres termes, nécessaire, qui détermine le transport à l’intérieur des substances toxiques ; car, si elle n’était pas aveugle et nécessaire, si la moindre lueur de choix et d’élection s’y pouvait apercevoir, elle écarterait loin d’elle ce qui va en peu d’instans plonger le système entier dans les désordres les plus étranges et les plus funestes. Pour me servir du mot nature avec le sens faux et métaphysique qu’on lui donne souvent, la nature se prend à tous les pièges qu’on lui tend ; on n’a qu’à lui présenter ce qui est le plus vénéneux et le plus mortel, elle l’absorbe aussitôt comme ce qu’il y a de plus inoffensif ou de plus sain, sauf à témoigner aussitôt son repentir par de graves perturbations, par des convulsions affreuses, par des lividités, des pâleurs, des hémorrhagies, symptômes très divers dont beaucoup ne font qu’aggraver le mal. Mais laissant de rôle ce langage d’une philosophie qui n’est jamais plus en défaut que dans la contemplation des êtres vivans, le repentir ici n’est pas autre chose que le déploiement de nouvelles activités également aveugles et nécessaires.

Il fut un temps, dans l’évolution scientifique de L’humanité, où la téléologie (ou doctrine des causes finales) forma une conception d’un ordre très élevé, suffisant à rallier toutes les notions positives que l’on possédait, et leur assurant une rationalité qu’elles n’auraient pas pu recevoir autrement lors de leurs premiers rudimens. Le plus grand et le plus légitime usage qui en ait été fait se trouve dans les écrits de Galien, alors qu’il donnait de la solidité et un charme réel aux études physiologiques, laissant loin derrière lui les brutes et incohérentes idées de ceux qui, ne voulant pas prendre l’issue, alors ouverte, des causes finales, n’avaient rien pour se soutenir et se guider. Plus tard, dans l’époque moderne, on continua l’œuvre de Galien, mais avec un succès décroissant ; car plus les faits s’accumulaient, plus ils devenaient incompatibles avec une doctrine qui n’est pas née sur le terrain positif. De tous côtés maintenant elle cède la place à une doctrine plus compréhensive, celle des conditions d’existence. Là est un champ immense et toujours réel, et la théorie qui s’y élève est à la fois pleinement solide, puisqu’elle n’a pour base que