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artistes, il caractérise très bien le génie de Nicolas Poussin et de Lesueur, il comprend Claude Gelée ; mais ses principes vont à la dérive dès qu’il aborde Mignard et Philippe de Champagne. Entraîné par sa prédilection pour la mère Agnès, la mère Angélique et ses chères carmélites de la rue Saint-Jacques, il juge les portraits de Philippe de Champagne, comme Mme de Staël jugeait les romans de Tieck, c’est-à-dire en y mettant ce qu’elle veut y voir. Philippe de Champagne n’est sans doute pas un peintre dépourvu de mérite : c’est un habile praticien, mais sans aucune importance dans l’histoire de son art. Mignard, malgré les éloges que lui a prodigués Molière dans le plus faible de ses ouvrages, dans la Gloire du Val-de-Grâce, n’est pas supérieur à Rigaud, dont l’histoire ne s’occuperait pas sans les admirables gravures de Drevet. Il ne peut sous aucun rapport entrer en comparaison avec Poussin et Lesueur. Quant à Philippe de Champagne, malgré son habileté matérielle, c’est un artiste vulgaire dans l’acception la plus sévère du mot. Passons à la statuaire. M. Cousin reconnaît et proclame le talent de Pierre Puget : c’est justice, et je ne songe pas à le blâmer. Pourquoi faut-il qu’il mette Jacques Sarrazin et Girardon à peu près sur la même ligne que Pierre Puget ? Girardon possédait sans doute la pratique matérielle de son art, mais il ignorait complètement le côté idéal de la statuaire. Or M. Cousin entreprend la défense de l’art français au XVIIe siècle pour montrer la supériorité de l’art spiritualiste sur l’art matérialiste. Ici, je le crains bien, l’argument allégué va directement contre la thèse choisie par l’avocat. Il me parait superflu de démontrer la supériorité de Jean Goujon sur Jacques Sarrazin. Pour les Anguier, ce sont plutôt des artisans que des artistes. Les ouvrages signés de leur nom que nous possédons au Louvre révèlent une étude assidue des procédés matériels de l’art, mais n’ont pas grand’chose à démêler avec le spiritualisme.

Nous ne pouvons non plus accepter Le Nôtre et Mansard comme de très grands architectes. Les deux ailes ajoutées par Le Nôtre au château des Tuileries de Philibert Delorme montrent amplement toute l’insuffisance de son imagination. Quant au château de Versailles, dont on a voulu faire un titre de gloire pour le nom de Mansard, conception très médiocre et qui donne tout au plus l’idée d’une immense caserne, je ne comprends pas qu’on essaie de lui assigner un rang élevé dans l’histoire de l’architecture. L’hôtel des Invalides, qui, malgré de nombreuses fautes de goût, n’est dépourvu ni de grandeur, ni d’élégance, n’a pas été conçu par l’auteur du château de Versailles.

Nous regrettons que M. Cousin n’ait rien dit de la musique au