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Pausanias, moins expressifs, c’est-à-dire moins voisins de l’idéal que les fruits de Zeuxis, les portraits d’Apelles et les compositions héroïques de Polygnote. J’invoque le témoignage de Plutarque, de Pausanias et de Pline, faute de pouvoir invoquer des témoignages plus décisifs, car le masque du Jupiter olympien placé aujourd’hui dans les galeries du Vatican n’est pas l’œuvre de Phidias. Ce masque, admirable d’ailleurs, serait tout au plus une réduction de l’original, et rien ne le prouve. L’œuvre de Phidias, faite d’ivoire, d’or et d’émail, parait avoir péri à Constantinople à l’époque des premières croisades ; quant à la Minerve, il n’en est pas resté une seule trace. La Pallas colossale de Velletri, que nous possédons au Louvre, la Pallas étrusque de la villa Albani que M. Ingres, dans un juste mouvement d’admiration, a fait mouler pour l’École des Beaux-Arts de Paris, ne peuvent nous donner une idée de la vierge sortie tout armée du cerveau de Jupiter et décrite par Plutarque et Pausanias. Cependant le témoignage de Plutarque, de Pausanias et de Pline l’Ancien, tous trois étrangers à l’étude spéciale de l’esthétique, suffit pour établir l’opinion de l’antiquité sur les moyens expressifs de la peinture et de la statuaire.

Le Sacrifice d’Iphigénie, de Timanthe, décrit par Pline l’Ancien, est à coup sûr un ouvrage très digne d’attention, et bien que nous ne possédions pas l’original, il est impossible de ne pas admirer la reproduction de cette œuvre sublime, détachée des murs de Pompeï et placée aujourd’hui au musée Borbonico. L’exécution très imparfaite de ce morceau n’enlève rien à sa valeur idéale, et réussit tout au plus à l’obscurcir. Il faut se rappeler en effet que Pompeï a été engloutie par l’éruption du Vésuve en l’an 79 de l’ère chrétienne, c’est-à-dire plusieurs siècles après l’âge d’or de la peinture grecque. Ainsi le Sacrifice d’Iphigénie que nous voyons aujourd’hui n’est très probablement que la réplique d’une réplique transmise d’âge en âge comme le profil d’une console ou d’une corniche. Envisagé au point de vue de l’expression, le Sacrifice d’Iphigénie mérite sans doute les plus grands éloges. Agamemnon, voilant son visage devant Calchas qui va immoler sa fille, est un trait de génie : tout cela est très vrai ; mais Laocoon mourant avec ses deux fils, Niobé percée des flèches d’Apollon, avec sa nombreuse famille, pour expier ses blasphèmes contre Latone, n’offrent pas un tableau moins émouvant que le Sacrifice d’Iphigénie.

Arrivons à l’architecture. M. Cousin paraît croire que, dans cet art, dont le but est complexe, le sentiment de l’utilité nuit au sentiment de la beauté. C’est à mes yeux une erreur. Les Grecs, qui, dans tous les arts du dessin et dans la poésie même, peuvent à bon droit passer