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retiré de ce qu’il avait avancé, rien nié de ce qu’il avait affirmé, rien altéré dans la substance même de ses doctrines ; mais il a senti que le lecteur et l’auditeur sont deux personnes très différentes, et que le style d’un livre est obligé à plus de sobriété que le style d’un discours. Aussi ses leçons de 1818 ainsi condensées sont-elles très supérieures aux leçons publiées par M. Adolphe Garnier.

La première partie, qui traite du vrai, expose les conditions fondamentales de toute connaissance, les principes qui dominent tous les ordres d’études depuis l’analyse de la conscience humaine et des lois qui régissent le monde extérieur jusqu’à la notion de la Divinité et des rapports qui relient Dieu à l’homme et au monde. L’auteur passe rapidement en revue les opinions capitales qui se sont produites sur l’origine et la légitimité de nos connaissances. Il va du platonisme et du péripatétisme à l’école écossaise, eu traversant la France et l’Allemagne, avec la sécurité d’un maître consommé. Je me borne à signaler les traits distinctifs de ce voyage à travers l’histoire. M. Cousin, en partant de Socrate pour arriver à Reid, aboutit au spiritualisme le plus élevé, et j’ajouterai au spiritualisme le plus compréhensif, car la doctrine de M. Cousin sur l’origine et le fondement de nos connaissances, soit en psychologie, soit en théodicée, n’accorde pas moins de respect au sens commun, remis en honneur par l’école écossaise, qu’aux idées pures développées avec tant de charme et d’éloquence dans les jardins d’Académus. Chemin faisant, l’auteur apprécie en quelques mots les affirmations de Locke et de Kant. Il fait dans ses affirmations la part de la vérité, la part de l’erreur. Il contrôle l’école allemande et l’école anglaise en les opposant l’une à l’autre. Il touche à tous les points importans de l’histoire, de façon à réveiller le souvenir du passé dans tous les esprits savans, et il excite la passion de l’étude dans tous les esprits initiés d’hier au culte de la science. Telle qu’elle est, cette première partie, dans son austère simplicité, offre une lecture salutaire et féconde. C’est tout à la fois un résumé de notions solidement établies, appuyées de preuves irrécusables, et un programme d’études à entreprendre : que peut-on demander de plus à des leçons sur le vrai renfermées dans un cadre aussi étroit ?

La troisième partie, qui traite du bien, c’est-à-dire de la loi morale, plus développée que la première, s’adresse naturellement à des lecteurs plus nombreux. Dieu que la psychologie et la théodicée soient les fondemens obligés de toute morale qui prétend au caractère scientifique, la plupart des lecteurs n’accordent à la psychologie et à la théodicée qu’une attention languissante : c’est un tort sans doute, mais il n’est pas permis de le nier. Le but de M. Cousin, en traitant du bien, a été de flétrir sans pitié la morale de l’intérêt, de chercher