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du jansénisme. Sous ce rapport, elle mérite d’être étudiée.

J’arrive au morceau capital ou plutôt à l’œuvre unique de Jacqueline, que M. Cousin ne craint pas de placer, pour l’élévation, à côté des plus belles pages de Pascal. Il demeure bien entendu qu’il fait ses réserves pour le style. Il s agit d’une méditation sur la mort du Christ. Le sujet avait été donné par Port-Royal ; Jacqueline, par une faveur particulière, avait reçu son billet, quoiqu’elle ne fût pas encore entrée au couvent. Recevoir son billet, c’était recevoir un sujet de méditation. Elle rappelle successivement tous les épisodes de la mort du Christ et déduit méthodiquement tous les enseignemens renfermés dans chaque épisode. Certes il se trouve çà et là quelques grandes pensées, mais deux défauts me blessent dans ce morceau.

En premier lieu, l’ordre adopté par l’auteur donne à cette méditation un singulier caractère de froideur ; en second lieu, la plupart des divisions sont plutôt verbales que réelles. Quoiqu’elle ne sache pas écrire, Jacqueline développe ses idées à la manière des rhéteurs, séparant ce qui doit être réuni. À proprement parler, ce n’est pas là une méditation, mais bien plutôt un exercice d’esprit, un discours parfois éloquent, souvent ingénieux, mais plus souvent encore puéril à force de subtilité. La mort du Christ ainsi comprise, ainsi expliquée, impuissante à ranimer les consciences défaillantes, n’enseigne rien aux incrédules.

Il est probable que Port-Royal était fort content de ce morceau, puisqu’il a pris soin de le conserver. La joie et l’orgueil des religieuses se conçoivent sans peine, car Jacqueline avait parlé comme un disciple fidèle de Jansénius. Quant à M. Cousin, je comprends difficilement son admiration. Il y a, je le répète, dans cette prétendue méditation, trop peu de pensées vraiment dignes de ce nom, et trop de paroles vides que l’auteur parait prendre pour des pensées. Au lieu de concentrer toutes les forces de son esprit sur la dernière scène de la passion et d’y chercher le sens intime et profond de la foi chrétienne, elle ne voit guère dans la mort du Christ que la justification des pratiques monastiques, et parle à peine de la charité. C’est-à-dire qu’elle omet tout simplement le côté le plus important de l’enseignement évangélique. Ainsi, de quelque manière qu’on envisage ce morceau, il me parait malaisé d’y trouver un légitime sujet d’admiration.

Cependant, si je ne puis adopter l’opinion de M. Cousin, je crois qu’il a bien fait de résumer les traits principaux de la vie de Jacqueline, car la sœur n’est pas inutile à l’intelligence du frère. Gilberte Pascal qui demeura dans le monde et devint Mme Périer, dont la foi sincère et profonde n’avait pas ce même caractère d’austérité, n’offre pas un intérêt aussi puissant. Je conçois donc très bien que M. Cousin