un livre purement didactique. Le dialogue et la forme épistolaire auraient trouvé place dans cette vaste composition. L’auteur des Provinciales, qui maniait si habilement l’ironie, n’eût sans doute pas répudié l’emploi de son arme favorite. Il est un autre point digne d’attention et que M. Cousin a mis en pleine lumière : c’est que Pascal, dans les Pensées rassemblées pour l’apologie de la religion chrétienne, combat manifestement les doctrines qu’il a soutenues dans les Provinciales. En attaquant le probabilisme et la morale aisée des jésuites, il défendait la liberté - e la pensée. Pour terrasser ses adversaires, il appelait la philosophie à son aide aussi souvent que la théologie, et certes, dans cette lutte mémorable, dans cette guerre ardente soutenue avec tant de courage, il a rendu d’éclatans services à la religion. Dans les dernières années de sa vie, il sapait à son insu l’édifice qu’il voulait rendre plus solide. Dédaignant l’auxiliaire qui lui avait donné tant de victoires, il multipliait à plaisir les difficultés de sa tâche. M. Cousin a traité cette question avec une rare habileté ; il a opposé les Pensées aux Provinciales, et prouvé qu’elles se contredisent en maint endroit. Il y a vraiment deux hommes dans Pascal : la seconde moitié de sa vie ne s’accorde pas avec la première. On pouvait déjà l’entrevoir avant les révélations de M. Cousin ; aujourd’hui il n’est plus permis d’en douter.
À mes yeux, le rapport présenté a l’Académie française est un service signalé rendu à notre littérature. L’abondance des preuves et la solidité de l’argumentation ne laissent rien à désirer. Il serait fort à souhaiter qu’un travail de même nature fût entrepris sur les principaux écrivains de notre langue. La méthode est trouvée, il ne s’agit plus que de l’appliquer. Parmi les hommes illustres du XVIIe siècle, Pascal n’est pas le seul dont les écrits ont subi des corrections officieuse Il serait bon de continuer l’œuvre de restitution commencée par M. Cousin ; mais, pour la continuer dignement, le zèle ne suffit pas : il faut y joindre un discernement sévère. Pour rétablir dans toute sa pureté le texte de nos grands écrivains, il faut faire un choir judicieux entre les différentes leçons que présentent les manuscrits tâche délicate, qui exige à la fois l’érudition du philologue et la sagacité du philosophe. Si M. Cousin a si bien réussi à nous rendre le vrai Pascal, c’est précisément parce qu’il satisfait à cette double condition. Il signale les altérations de style avec autant de vigilance que les altérations de pensée. Une image effacée ne le blesse pas moins vivement qu’un argument dénaturé. Passionné pour son sujet, il l’étudie en tous sens et en sonde toute la profondeur après en avoir mesuré toute l’étendue. Il est rare de trouver réunies au même degré l’érudition et la sagacité. Sous la plume de M. Cousin, les questions les plus arides s’animent, s’agrandissent et s’élèvent. La restitution