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Grégoire de Nazianze. Il avait enrôlé dans son entreprise plusieurs de ses condisciples de l’École normale. Je n’hésite pas à croire que les études commencées et poursuivies pendant quelques mois pour l’accomplissement de ce projet ont exercé sur son esprit une influence très salutaire. La lecture des pères de l’église donne au raisonnement une souplesse, une ductilité dont ils possèdent seuls le secret. Ce projet, bien que demeuré inaccompli, a donc porté profit à M. Cousin.

Avant d’entrer à l’École normale, le jeune lauréat avait rencontré sur sa route une tentation puissante. M. Frochot, préfet de la Seine, qui l’avait souvent couronné, lui offrit de la part du ministre de l’intérieur le titre d’auditeur au conseil d’état. Exempté de la conscription par le prix d’honneur, M. Cousin eût été affranchi de l’obligation imposée à tous les auditeurs de posséder au moins 5,000 livres de rente. Pour venir en aide à ses débuts dans la carrière administrative. M. Frochot voulait le prendre comme secrétaire et lui donner un traitement de 6,000 francs. L’offre était séduisante. M. Cousin, malgré les instances de son père, eut le bon sens de refuser. Eclairé sur sa vraie vocation par les deux années passées à l’École normale, II renonça sans regret au bien-être immédiat, préférant avec raison une carrière plus modeste et moins lucrative, où il pourrait réaliser une carrière plus modeste et moins lucrative, où il pourrait réaliser le plus cher de ses voeux.

Dans son enfance, au collège Charlemagne, il avait rêvé la vie militaire. Il ne concevait alors rien de plus beau qu’une épaulette et une épée, et préludait à l’accomplissement de son rêve en disciplinant ses camarades comme de nouvelles recrues. Sa mère avait eu grand’ peine à le détacher de cette fantaisie guerrière, qui était alors partagée par la jeunesse presque tout entière. Il n’a gardé de ce premier rêve qu’un goût très prononcé pour les récits militaires.

Ainsi tous les obstacles semés sur sa route, loin de ralentir le développement de ses facultés, sont devenus pour lui comme autant d’aiguillons. Bien qu’il se plaise à répéter que ses études littéraires l’ont vraiment commencé qu’en 1840, et qu’il avait écrit jusque-là sans autre souci que la manifestation de sa pensée, sans se préoccuper de l’art d’écrire, il est évident que le jour même où il est muté dans la chaire de Royer-Collard, il possédait déjà presque tous les secrets de l’orateur et de l’écrivain. Je veux bien croire que l’étude assidue des principaux monumens de notre littérature lui a révélé des secrets qu’il ignorait en 1815, mais je ne saurais admettre la date qu’il assigne à ses premières études littéraires. L’opiniâtreté de M. Guéroult en le condamnant à l’enseignement des lettres antiques d’abord à l’École normale, puis dans les collèges de Paris, l’avait initié de bonne fleure aux principes qu’il devait plus tard contrôler