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à l’enseignement de la philosophie ; mais son protecteur, M. Guéroult, en avait décidé autrement et le nommait répétiteur de littérature ancienne, c’est-à-dire lieutenant de M. Villemain. L’année suivante, M. Cousin, nommé professeur agrégé, était mis à la disposition des proviseurs de Paris pour remplacer les titulaires malades ou absous par congé, sans cesser pourtant d’appartenir à l’École normale comme répétiteur. Toutes ses tentatives pour aborder l’enseignement philosophique venaient échouer contre la volonté de M. Guéroult. L’élève de l’abbé Le Clerc parcourut de 1812 à 1814, tous les degrés de l’enseignement secondaire, depuis les classes de grammaire jusqu’à la rhétorique, sans jamais pouvoir enseigner la philosophie. Enfin M. Cardaillac, chargé de cet enseignement au lycée Bonaparte, étant tombé malade, le proviseur, M. Chambry, qui connaissait la prédilection de M. Cousin pour la philosophie, le désigna pour remplacer M. Cardaillac. Royer-Collard, appelé à la direction de l’instruction publique, nomma son jeune élève maître des conférences à L’École normale pour la philosophie, et lui confia bientôt sa chaire de la Sorbonne, où il avait exposé avec tant d’éclat les travaux de l’école écossaise.

À partir de cette année, il n’y a plus aucun incident dans la vie de M. Cousin. Il entre de plain-pied dans la carrière qu’il avait librement choisie et que M. Guéroult lui avait fermée avec tant d’obstination. De 1815 à 1820, il parle devant un auditoire fidèle et passionné qui recueille avidement toutes ses leçons. Partagé entre l’étude solitaire et l’enseignement public, il n’a rien à souhaiter. Écouté avec une attention religieuse, applaudi avec enthousiasme, il ne rêve rien au-delà de l’horizon universitaire. Condamné au silence par un pouvoir inintelligent et pusillanime, il emploie ses loisirs inattendus à traduire Platon, à recueillir les œuvres de Descartes, à publier les manuscrits inédits de Proclus ; il se console de son inaction dans un travail assidu, car pour lui agir, c’était parler. Il avait besoin d’entretenir avec la jeunesse un commerce de chaque jour ; il trouvait dans l’attention de son auditoire une excitation sans cesse renaissante qui doublait ses forces. L’étude solitaire, malgré le nombre de vérités nouvelles qu’elle lui révélait, ne lui offrait qu’un dédommagement incomplet. M. Cousin doit pourtant songer sans amertume au silence qu’il a gardé pendant sept ans, car s’il eut poursuivi sans relâche son enseignement de la Sorbonne, il n’eût trouvé qu’à grand’peine le temps d’aborder successivement toutes les époques de la philosophie. Ses loisirs, en élargissant le cercle de ses méditations, ont donné à son esprit une vigueur nouvelle. La vie active de l’enseignement, plus séduisante peut-être, qui récompense chaque nouvel effort par les applaudissemens, n’eût