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Les agitations politiques dont la France devint le foyer en 1830 se propagèrent jusqu’en Italie. L’année suivante, Bologne se soulevait contre la domination papale. Nous n’avons point à retracer ici les phases et la péripétie de ce drame. Lorsque la paix fut rétablie, Mgr Oppizzoni rentra dans la ville, dont il était le premier pasteur, avec une mission réparatrice à remplir. Il chargea une députation de porter aux pieds du souverain pontife l’hommage de fidélité de la ville et de la province. Le plus illustre des enfans de la docte cité devait naturellement faire partie de cette députation; son nom s’était le premier présenté au cardinal-archevêque. Pendant les quelques jours que Mezzofanti passa à Rome, Grégoire XVI le nomma prélat, avec le titre de protonotaire apostolique non-assistant. Il lui déclara qu’il voulait le voir s’établir à Rome, et qu’il n’admettrait aucun refus. Il faut croire cependant que quelques résistances se produisirent encore, puisque Grégoire XVI aimait à répéter qu’il lui avait fallu soutenir un véritable siège pour décider Mezzofanti à quitter sa chère Bologne. Ce pontife disait, avec une certaine gaieté qui lui était familière, que le voyage du polyglotte à Rome était l’unique service que lui eût rendu l’insurrection bolonaise. Il l’appela successivement aux fonctions ecclésiastiques les plus honorables; en 1832, il le nomma chanoine de la basilique de Sainte-Marie-Majeure, quelque temps après premier custode de la bibliothèque Vaticane, et enfin chanoine de Saint-Pierre. Ces dignités n’étaient que le prélude de celles qui devaient les couronner toutes. Dans le consistoire du 12 février 1839, Grégoire XVI créa Mezzofanti cardinal de l’ordre des Prêtres, et lui assigna le titre de Saint-Onuphre. Le nouvel élu dut naturellement prendre sa place dans les congrégations de la Propagande, de l’Index, des Rites, des études et de l’examen des évêques in sacra teologia e sacri canoni, enfin dans la congrégation des affaires de la Chine; mais de tous les devoirs que ces titres divers lui imposaient, il n’en est aucun qui fût plus cher à son cœur, plus conforme à ses goûts et à sa vocation spéciale que celui de veiller sur les jeunes néophytes de la Propagande. Leurs examens, le soin de leurs études, les avis paternels à leur donner, les intérêts matériels du collège, des correspondances à entretenir avec les pays les plus éloignés, l’attiraient sans cesse dans cette académie de toutes les nations. Cependant sa présence n’y était jamais plus sollicitée, plus utile qu’aux approches de l’Epiphanie, où l’on célèbre la mémoire de l’initiation de toutes les races humaines à la révélation chrétienne. Pendant l’octave de cette solennité, la Propagande fait la fête des langues. Les élèves membres de cette académie, réunis de tous les points du globe, récitent leurs compositions oratoires ou poétiques en cinquante idiomes environ. Toutes ces compositions étaient remises au cardinal avant la tenue de la séance solennelle; il les corrigeait avec soin. La pensée des auteurs, la construction des phrases, les formes oratoires, le rhythme poétique, la cadence de ces vers, quelquefois sauvages, devenaient pour lui un thème d’observations lumineuses, toujours profitables à celui qui lui en fournissait l’occasion.

Au début de sa carrière sacerdotale, Mezzofanti avait recherché l’une des plus pénibles et plus obscures fonctions du ministère sacré, celle de confesseur. Prélat et cardinal, il continua de les exercer avec le même zèle, et on peut dire qu’il réunit en sa personne la charge de pénitencier de toutes les basiliques romaines. Aucun prêtre n’a dirigé la conscience d’un plus grand