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Zoologie[1], existait encore strada dei Malcontenti, au commencement de ce siècle. Sa famille, peu favorisée des biens de la fortune, jouissait de l’estime et de la considération publiques. Sous le toit paternel, tout respirait la simplicité, une piété douce, l’ordre et une économie convenable. A la fin du siècle dernier, les familles italiennes conservaient encore presque toutes ces mœurs patriarcales et cet esprit chrétien que les révolutions ont depuis profondément altérés, et qui avaient produit ces bienveillantes relations de chaque jour, que les prêtres et les moines entretenaient surtout dans les classes moyennes de la société. On se visitait, on se rendait de mutuelles prévenances; l’homme de Dieu venait s’asseoir au foyer domestique. Dans une des communautés de Bologne vivait un religieux, le père Jean-Baptiste Respighi, préfet des oratoriens, qui était dévoué à la famille Mezzofanti. Il prenait souvent dans ses bras le jeune Joseph, dont il devint plus tard le protecteur et l’ami. Son influence sur les destinées de cet enfant fut décisive et détermina son avenir. Lorsque le père Respighi, dans sa vieillesse, ferma les yeux à la lumière, il avait eu la consolation de voir son disciple élevé à la dignité de cardinal. Mezzofanti commença ses premières études de grammaire et de latin sous la direction de don Philippe Cicotti, prêtre de Bologne, et ses progrès furent si rapides, que son père, homme prudent, craignant que la carrière des lettres ne séduisît son fils et qu’elle ne fût pour lui, comme pour bien d’autres, stérile ou semée de difficultés, se montrait peu jaloux de ces progrès. Il voulut lui faire abandonner ses études pour l’engager dans une profession qui eût été bientôt lucrative; mais la Providence avait d’autres vues sur le jeune Joseph, et elle avait placé auprès de lui, au sein de sa famille, le père Respighi. En homme judicieux et dans l’abandon de l’intimité, il avait bien vite discerné la portée de cette précoce intelligence. Toutefois ce ne fut qu’après de longues instances que le père céda aux prières de l’ami, et laissa son fils sur les bancs du collège. Sans le crédit et l’intervention de l’oratorien, Mezzofanti n’eût été probablement toute sa vie qu’un modeste artisan bolonais. Rassuré sur son avenir, il se livra avec une nouvelle ardeur à l’étude. Il entra aux Écoles Pies, où ses succès et sa bonne conduite lui valurent les premiers grades et les premières récompenses. Déjà en lui perçait cette merveilleuse puissance de mémoire qui devait le rendre un jour si célèbre. A quinze ans, ses cours de rhétorique et de philosophie étaient terminés. Il avait ressenti cet attrait irrésistible qui le portait vers la science des langues, et il commença à s’y appliquer. De quinze à dix-sept ans, les excès du travail et des austérités trop rigoureuses et mal entendues compromirent gravement sa santé; les médecins appelés ordonnèrent un repos prolongé. Le jeune homme en profita pour consulter le ciel sur la carrière qu’il devait embrasser, et qu’il était aisé de prévoir. Celle du sacerdoce s’offrait tout naturellement à lui, comme réunissant les avantages de l’étude à l’habitude des pratiques religieuses, qu’il avait contractée dès l’enfance.

Sous le patronage du père Respighi, Mezzofanti fut admis au séminaire épiscopal de Bologne; sa réputation l’y avait précédé, et de nouveaux succès

  1. Les premiers volumes de cet ouvrage, qui devait en avoir dix-sept, in-8o, ont seuls paru; la mort du professeur Ranzani, arrivée en 1830, vint interrompre ses travaux.